"Fake stream" : un rapport dévoile les milliards d'écoutes truquées sur les plateformes

Tout le monde s’en doutait et maintenant tout le monde le sait. Ce lundi 16 janvier, le Centre National de la Musique a publié les conclusions d’une étude lancée en 2021 sur les fausses écoutes enregistrées par les plateformes de streaming en France. Les résultats varient en fonction du fournisseur (Deezer, Spotify et Qobuz), mais le nombre de ces « fake streams » s’élève entre 1 et 3 milliards. Et tous les genres musicaux sont concernés.
  • Si vous êtes familier avec le rap, vous avez sans doute entendu votre artiste préféré.e clamer haut et fort que la concurrence avait déjà acheté des « fake streams » pour gonfler ses écoutes. Jusqu’ici toutes ces accusations n’étaient que des suppositions. Mais aujourd’hui, des preuves affirment que ces « achats d’écoutes » existent bel et bien. C’est ce que confirme un rapport du Centre National de la Musique (CNM) réalisé en collaboration avec plusieurs acteurs du secteur et commandé en 2021 par l’ancienne ministre de la Culture Roselyne Bachelot. Publiées ce lundi 16 janvier, les 57 pages qui le constituent détaillent l’étendue de la fraude qui frappe les plateformes de streaming.

    Pour mener à bien cette enquête de fond qui aura duré un an et demi, le CNM s’est allié à des maisons de disques, des artistes, des distributeurs et des organisations professionnelles. Spotify, Qobuz et Deezer ont également pris part à cette initiative et fourni une large gamme de chiffres à disséquer. Totalement investis dans ce rapport, ces trois services ont mis en place leurs propres outils pour déceler ces « écoutes frauduleuses », en se basant notamment « sur les comportements inhabituels d’écoute (de très longues durées d’écoute ou des morceaux passés à très grande vitesse, par exemple) » peut-on lire sur un article de France Inter. Finalement, pour 2021, entre 1 et 3 milliards de streams ont été considérés comme frauduleux. À titre informatif, en France, 100 milliards de chansons sont écoutées chaque années.

    Selon les chiffres de l’étude, c’est Deezer qui aurait le plus gros pourcentage de « fake stream ». Avec ses 2,6 %, la plateforme devance de loin Qobuz (1,6 %) et Spotify (1,1 %). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les chansons les plus écoutées qui sont visées. Pour Spotify et Deezer, les fraudes touchent principalement les titres n’étant pas dans le top 10 000 des plus joués. Une mécanique inversée avec Qobuz, qui affiche un total de 43,5 % de faux streams concernant les chansons du top 10 000. Un pourcentage ramené à 13,3 % pour les morceaux du top 10. Autre point important, pour chaque plateforme, ce sont les nouveautés qui sont principalement truquées. Alors que pour Deezer et Qobuz cette triche touche majoritairement les titres internationaux, sur Spotify, le phénomène est opposé.

    En observant de plus près les schémas fournis par le rapport, on peut facilement identifier les genres musicaux les plus gangrénés par des « fake streams ». Le hip-hop se retrouve largement en tête sur Spotify à 84,5 %, contre 26,3 % pour Deezer. Chez Qobuz, comme on peut le voir ci-dessous, ce sont la « pop » (28,8 %) ainsi que la « dance/electro » (19,6 %) qui dominent le classement. De façon plus générale, un vaste spectre des styles semble touché, et ce, sur chacune des plateformes.

    Le souci avec ces fraudes, c’est que l’économie du streaming peut être totalement déréglée. En gros, si l’augmentation du nombre d’écoutes n’est pas suivie par une augmentation du nombre d’abonnements, la valeur de chaque stream fond comme neige au soleil. Et ce sont les artistes qui en subiront les conséquences, ou plutôt leur porte-monnaie.

    Toujours est-il qu’un problème principal domine. « Dans la plupart des cas, le commanditaire à l’origine de la demande de manipulation des streams sera rarement identifié et identifiable », affirme le CNM dans son rapport. En attendant de trouver des solutions, « une charte interprofessionnelle de prévention et de lutte contre la manipulation des écoutes en ligne » va être créée. Un élan nouveau sur lequel les acteurs du milieu pourront s’appuyer, qui surtout, servira de base pour la prochaine étude prévue en 2024.

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