2021 M05 5
Au premier abord, la vidéo ne paye pas de mine. Avec une paire de baguettes et un simple pad posé sur ce qui semble être la table de sa cuisine, Taylor nous explique comment faire des "doublés". Elle commence alors très lentement, avant d’accélérer, sans cesse, jusqu’à ce que les coups ne forment plus qu’un flux continu, et hypnotisant. Publiée sur TikTok, la performance à atteint les 20 millions de vues. C’est avec ce genre de démonstration technique que la musicienne s’est faite connaître sur Internet. Et ce n’est pas la première fois qu’elle attire l’attention.
Cela fait 57 ans qu’elle joue de la batterie. Admiratrice de Buddy Rich, cette Américaine a dédié sa vie à l’instrument. Elle a joué dans toutes sortes de formations, fanfares, groupes de polka, rock, jazz, orchestres symphoniques, dans des écoles, et bien d’autres encore. En parallèle, elle a très vite commencé à enseigner l’instrument, tout en travaillant dans un magasin de musique pour compléter ses revenus. La passion ne l’a jamais quittée. Pourtant, certains moments ont été plus difficiles. Alors que l’arrivée de son troisième enfant lui laisse moins de temps pour jouer, elle a également dû faire face à la déconsidération de nombreux collègues. « Les gens m’amenaient leurs batteries pour que je les répare, mais ne me demandaient jamais de jouer » raconte-t-elle au site Mel Magazine.
En juillet 2017, elle ouvre un compte Instagram, afin de partager sa passion. Sa première publication : un duo avec sa sœur, elle aussi très douée, dans un camping. Elle publie alors régulièrement, sans relâche, et deux ans plus tard, une de ses vidéo, dans laquelle elle expose sa maîtrise de la technique dite du « moulin », est largement relayée. De fil en aiguille, elle est contactée par le site spécialisé Drumeo, qui lui propose alors de faire une vidéo. Et celle-ci va définitivement l’assoir comme la « marraine de la batterie », comme certains l’appellent.
« Ils m’ont demandé de faire quelque chose qui surprenne les spectateurs. » Pari réussi, puisqu’on y voit Taylor reprendre le morceau Down With The Sickness, du groupe de metal Disturbed. Bien sûr, la performance est parfaitement maîtrisée, mais outre cette surprise, l’intérêt de cette vidéo est ailleurs. En effet, le morceau comporte une introduction mise en scène, où la batteuse croise plusieurs musiciens qui imaginent qu’elle joue du violon, de l’orgue, ou même qu’elle vient leur demander de jouer moins fort. En fin de vidéo, elle délivre un message, expliquant avoir souvent vécu cette situation. Avant de conclure : « Peu importe que vous soyez bon ou pas, vieux ou pas, nous faisons tous partie de la famille des batteurs ». À l’heure actuelle, cette reprise compte plus de 13 millions de vues sur YouTube.
À partir de ce moment, les leçons données par la batteuse vont être très demandées, partout dans le monde. En parallèle, elle continue de dispenser ses conseils sur les réseaux sociaux. Son credo : des gammes, des gammes et encore des gammes. "Une fois que vous avez lu la première page, tout le livre paraîtra plus compréhensible" selon elle. Dans une autre vidéo pour Drumeo, elle expose longuement l'importance de la technique du "moulin" et ses variantes, seule clé pour un groove impeccable.
Sa bienveillance, et sa preuve par l'exemple qu'il n'y a pas d'âge pour s'adonner à sa passion, lui attire une communauté toujours plus grande. Sur TikTok comme Instagram, elle compte plus de 650 000 abonnés, et chaque jour quelqu'un lui raconte s'être mis à la batterie grâce à elle. Au final, Dorothea Taylor est sûrement la seule personne de plus de 70 ans pour qui le coronavirus aura été une bonne chose.