2021 M03 31
C’est quelque chose qu’un livestream ne pourra jamais imiter : les sensations du concert, le mélange de sueur, d’alcool et d’hormones ; quelque chose de métallique dans l’air, l’odeur du béton, parfois, ou du bois du comptoir. Peut-être est-ce cette nostalgie qui a guidé plusieurs maisons de parfums parisiennes dans leurs dernières créations.
Les "nez" (créateurs de parfums) de Diptyque, par exemple, se sont inspirés d’un club jazz des années 1960, l’Orphéon, où les fondateurs de la maison avaient leurs habitudes. D’autres, comme l’Orchestre, puisent dans des souvenirs qu’on suppose plus récents. Le parfum « Electro Limonade » veut nous emporter dans un « cocktail chill-out sur soleil couchant », accompagné de son DJ set qu’on imagine savamment gentrifié. « Rhubarbe et fleur d’oranger nous entraînent dans une nuit où le groove se fait planant sur basses de bois ambrés, encens et vétiver d’Haïti. » Dans le même temps, ils proposent également « Bouquet Encore », voulant épouser les sensations dans une boîte de nuit de Barcelone à 3h12 du matin. Un souvenir qui semble presque trop précis.
Comme son nom l’indique, la maison l’Orchestre cherche à mêler parfums et musique. Leurs précédentes créations s’inspiraient de divers instruments ou styles musicaux (trombone, kora, darbouka, flamenco, etc). Chaque fois, un morceau est créé pour l’occasion. Pour les derniers créés, ils ont ainsi fait appel au duo electronica NIID, ainsi qu’à deux DJ, Popof et Animal & Me, venus de la deep-house et la techno minimale.
Chez Les Bains Guerbois, on invoque carrément des concerts de légende. Fondée en 2015, la maison tire son nom du bâtiment créé en 1885, qui est devenu en 1978 les Bains Douches, l'un des premiers nightclubs parisiens. Voulant rendre hommage à ce lieu fermé en 2010, le parfumeur propose ainsi deux parfums. Le premier, nommé « 1992 Purple Night », cherche à évoquer la venue de Prince et son groupe en aftershow après avoir rempli Bercy.
Le second, « 1979 New Wave », convoque quant à lui, sans le nommer, le souvenir de Joy Division. En effet, le 18 décembre 1979, le group phare du post-punk y donnait un de ses meilleurs concerts, moins de six mois avant le suicide de son leader Ian Curtis. Un moment que la maison de parfums veut faire revivre, comme elle l’explique avec ce ton typique des publicités de parfums : « Un concert légendaire. Un public enthousiaste, mixte, surfant sur une vague d’émotions, de musique, de parfums où se mêlent menthe fraîche, menthe poivrée, iris, cèdre et santal. Nouveaux Romantiques. Sombre ou joyeuse vision de la vie ? Les deux sans doute. »
Au-delà de ces références prestigieuses, il est évident que tout le monde n’a pas les moyens pour ces flacons. Il faut en effet compter entre 135 et 170 euros l’unité. On sait que quand on aime on ne compte pas, ou bien que l’argent n’a pas d’odeur, mais tout de même.