L'histoire folle d'Oksana Linde, pionnière des synthés ukrainiens

Le 25 mars, l’artiste d'origine ukrainienne Oksana Linde, mais née au Vénézuela, publiera enfin son premier album à l’âge de 73 ans. Cela fait pourtant 40 ans qu’elle développe son univers, composant une musique électronique atmosphérique et unique.
  • Parfois galvaudée, l’expression de « secret bien gardé » s’applique ici à la perfection. Depuis près de 40 ans, la musicienne vénézuélienne Oksana Linde compose, seule chez elle, de la musique électronique. Malgré un style unique, elle n’a jamais réussi à publier ses nombreuses compositions. Jusqu’à 2022, et la publication d’une compilation nommée « Aquatic and Other Worlds (1983-1989) », en streaming le 25 mars, et prochainement dans une édition limitée à 300 vinyles. On doit celle-ci au péruvien Luis Alvarado, directeur du label Buh Records basé à Lima. Comme le nom de l'album l’indique, il regroupe une douzaine de titres composés entre 1983 et 1989.

    Née en 1948 à Caracas, de parents venus d'Ukraine, Linde avait jusque là exercé comme chercheuse en chimie. Passionnée de musique, elle pratique le piano depuis ses trois ans, bien qu’elle n’ait jamais suivi de cours (chose qu’elle regrette). C’est à la fac qu’elle découvre la musique électronique, via des étudiants anglais ou américains, et ses possibilités infinies la fascinent. En 1981, des soucis de santé la poussent à démissionner. Une fois remise de ses traitements, elle fait l’acquisition de deux synthétiseurs et d'un enregistreur et se crée ainsi son home studio, qu’elle ne cessera d’enrichir par la suite.

    Entre 1983 et 1996, elle compose pas moins de 60 morceaux, sans jamais parvenir à les publier. Too much, too soon : les quelques labels qu’elle réussit à contacter déclinent l’offre. La scène électronique vénézuélienne est pourtant bourgeonnante, et en 1985, Linde aurait ainsi dû faire partie d’une compilation réunissant les meilleurs artistes du pays. Mais celle-ci n’a jamais été commercialisée (à peine 5 copies pressées, ceux des tests pour l'usine !). La musicienne a ainsi continuer de créer, sans jamais s’arrêter. Jusqu’à cette reconnaissance tardive.

    Sa musique a pourtant de quoi ravir tout amateur d’électronique planante. Alvarado la compare ainsi à Tangerine Dream ou Klaus Schulze. Elle partage avec les Allemands cette démarche psychédélique, onirique, sans jamais renoncer à un aspect mélodique. Ses empilements de boucles créent un effet hypnotique, et invoquent beaucoup d’images. Qu’ils soient plus jazzy ou classiques, les titres de Linde ont toujours quelque chose de suspendu, flottant.

    Les titres de ses morceaux indiquent clairement où elle puise son inspiration : les rêves, la nature, des visions surréalistes. Cela vaut tant pour la compilation que les quelques titres qu’elle a publiés au compte-goutte sur son profil Bandcamp depuis 2020 (avec des pochettes qu’elle a probablement réalisées elle-même). Peu importe son âge, l’artiste semble toujours chercher le même but : nous inviter au rêve.

    Photo © Buh Records

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