2017 M03 19
À l’heure où les musiciens s’amusent à tout mélanger et semblent avoir fait de leur compte Spotify une immense base de données pour leurs futures compositions, il est plus que jamais difficile de s’y retrouver parmi les différents genres musicaux émergents. Certains sont clairement hybrides et ne semblent vouer qu’à marquer une époque (la new beat, l’acid-rock, etc), d’autres sont revanches issus de traditions anciennes, méconnues en France. C’est le cas, par exemple, de la bubu music, genre popularisé par le Sierra-Léonais Janka Nabay, dont le deuxième album, « Build Music », paraitra le 24 mars prochain.
Musique de sorcier. Initialement jouée lors des cérémonies de sorcellerie, la bubu music s’est peu à peu rapprochée des processions religieuses, notamment lors du Ramadan, avant de devenir un style musical à part entière pendant la guerre civile sierra-léonaise, soit de 1991 à 2002. Ses premières caractéristiques ? Être jouée avec des cannes de bambous ou des tuyaux en métal, de ceux que l’on trouve à l’intérieur des vieilles voitures.
Anti-système. Mais la bubu music n’a rien de folklorique, comme on a un peu trop tendance à le penser en Occident lorsqu’il s’agit d’évoquer les courants musicaux venus d’Afrique. C’est une musique traditionnelle, très populaire au sein du peuple Temné, que Janka Nabay a su réinventer à sa manière en studio. Avec le titre Sabanoh (We Own Here), il en a même fait une philosophie, encourageant la paix, l’autonomie des femmes et la bonne gouvernance. Et, forcément, ces préceptes ont fini par créer une base de fidèles importante en Sierra-Léone : depuis la seconde moitié des années 1990, Janka Nabay est devenu le symbole de l’opposition au pouvoir en place – en 2003, il a même été contraint de déménager à Washington D.C. – et a réussi à séduire bien au-delà de l’Afrique en s’associant en 2010 avec Skeletons, Gang Gang Dance et Starring le temps d’un album.
Un fan : David Byrne. Le buzz commence à prendre, ses morceaux fascinent les oreilles curieuses et, fatalement, Janka Nabay finit par se faire fait repérer par l’ex-Talking Heads, David Byrne, toujours à l’affut des bons coups (William Onyeabor, c’est lui !), qui lui fait signer dans la foulée un contrat pour trois albums sur son label Luaka Bop. Le deuxième, « Build Music », s’apprête donc à sortir, et c’est une grande nouvelle : pour Janka Nabay, pour la bubu music et pour le monde en général.