2022 M02 10
Le post-punk est une grande famille. Déjà, il traverse les époques - c’est un genre musical dans lequel on peut aussi bien placer Magazine, The Birthday Party et plus récemment The Muder Capital ou Idles -. Et puis il continue d’être accueilli à bras ouverts par des gamins pas encore assez âgés pour voter mais qui voient dans ce genre une manière d’écorcher la vie, de la dépeindre d’une manière brute, sans chichis, sans strass ni paillettes.
Dans cette photo de famille, en bas à gauche, coincé entre Iceage et Shame, on retrouve les Américains de Bambara. Ce ne sont pas des lapins de six semaines (il s’agit de leur cinquième album), ils ont déjà écumé toutes les caves d’Europe et ils ont eu le temps de faire des erreurs pour peaufiner leur style, et mieux parvenir à décrire ce qu’ils ressentent à travers la musique. Sur « Love On My Mind », décrit comme un « mini-album » (6 titres), le groupe parvient à captiver et à prouver qu’ils ont maintenant le statut pour jouer dans la cour des grands.
Derrière Bambara, il y a les frères jumeaux Bateh (Reid, le chanteur et Blaze, le batteur) en compagnie de William Brookshire à la basse. Au début, on les décrivait comme des rockeurs gothiques. Leur musique était sombre, angoissante, violente et obscure. Puis avec le temps, les compositions sont devenues plus aériennes, laissant aussi de la place aux silences, histoire d’alterner avec les morceaux plus frénétiques. Sur l’album « Stray » sorti en 2020, Bambara trouve son rythme de croisière et la formation basée à Brooklyn commence donc à trouver son public. Pour l’écriture, Reid Bateh s’inspire de photos trouvées dans des boutiques solidaires. Il s’imagine alors la vie des personnes photographiées, et fait des connections entre les clichés pour inventer des histoires, souvent imagées, mystérieuses et sinistres.
Grâce à l’album précédent « Shadow On Everything » (2018), Bambara avait tapé dans l’œil de Joe Talbot d’Idles, qui a embarqué le groupe en tournée pour assurer la première partie. Quatre ans plus tard, les New-Yorkais se coltinent toujours les premières parties des Anglais (même s’ils parviennent à remplir des salles seuls). Mais une chose a changé : les élèves ont maintenant les cartes en main pour dépasser leur maître.
Sur « Love On My Mind », disponible le 25 février, Bambara aiguise encore un peu plus sa lame. Pourtant, il s’agit d’un disque qui n’a pas été une partie de plaisir à réaliser. Un premier album, enregistré à distance durant les confinements, a été totalement abandonné par le groupe. Ils ont repris le travail une fois réunis à New York, ont appelé quelques potes pour venir jouer avec eux (et ajouter un peu de densité aux compositions, notamment avec du trombone et du saxophone) et paf, « Love On My Mind » sonnait enfin comme le disque que Bambara voulait faire. On peut facilement comparer cet album à « Seek Shelter » des Danois de Iceage, notamment dans cette envie d’apporter de la profondeur aux chansons, et d’étoffer la palette sonore.
Slither in The Rain, le titre d’ouverture, plonge directement dans une ambiance mystique, entre la froideur d’une ruelle de la Big Apple et l’envie de planter son couteau dans le dos de son pire ennemi. Mythic Love enchaîne sans laisser de répit, comme si on se retrouvait dans un western sombre qui se déroule principalement la nuit, et où deux personnages tombent amoureux sans pouvoir vivre pleinement cette idylle. Birds, sous ses airs de ballade gothique, est en fait une chanson d’amour. Feelin’ Like a Funeral redonne envie de croire au rock et Little Wars achève nos rêves tout en vous prenant dans les bras pour vous câliner. C’est déjà fini, mais on ressent le besoin d’y revenir, et de se refaire le film une nouvelle fois.
« Love On My Mind » sort le 25 février sur Wharf Cat et Modulor // Crédit photo : @Pooneh Ghana