2022 M05 13
A force de multiplier les projets parallèles, d'Atoms For Peace aux multiples BO de Greenwood en passant par les propres disques en solo de Yorke, il eut été facile de conclure, à propos des escapades de Radiohead, que le groupe cherchait à disparaître complètement. Une mission somme toute plutôt réussie; le dernier album studio remontant à 2016 et le groupe brouillant les pistes jusqu'à fusionner récemment deux de ses anciens albums dans un pyramidal "Kid A Mnesia".
Le traumatisme vécu par la bande anglaise avec le succès mondial de "Ok Computer" explique peut-être à elle seule cette gigantesque partie de cache cache dans laquelle Radiohead s'est lancé depuis le début des années 2000 avec, à la clef, le luxe du choix artistique, mais aussi du refus des promos. Aussi, on n'est que guère surpris de n'avoir lu, jusque là, aucune interview de Greenwood et Yorke à propos de ce nouveau projet secondaire nommé The Smile, et pourtant teasé de longue date. Qu'en penser, finalement, maintenant qu'il est officiellement sorti ?
On ne fera pas trop patienter le lecteur : "A Light For Attracting Attention" est une réussite qui dépasse de loin la curiosité malsaine que peuvent parfois susciter les caprices de célébrité. Le besoin d'attention, justement, ce n'est pas vraiment ce qui caractérise Thom Yorke et Jonny Greenwood, pas plus que leur désir d'infidélité. On n'est donc pas étonné par la présence au casting de Nigel Godrich (à la production et au mix) et de Stanley Donwood, historiquement en charge de l'artwork de Radiohead et qu'on retrouve ici sur les visuels du clip de Pana-vision.
Pour le reste, si la majorité des titres seront loin de déplaire aux fans historiques du groupe anglais - on pense prioritairement à The opposite qui aurait pu sortir sur "Amnesiac", ou encore Thin Thing - n'en reste pas moins que The Smile apporte une densite supplémentaire, comme si l'album était une brique en plus pour la maison Radiohead. Comme Bowie avant eux ou plus récemment Iggy Pop avec "Free", Yorke et Greenwood lorgnent cette fois du côté du jazz, à petites touches. La présence de Tom Skinner dans le groupe éphémère n'y est sans doute pas pour rien; lui qui cogne doucement d'habitude au sein du groupe Sons of Kemet. Puis à ce qui serait déjà suffisant pour dépasser la majorité des sorties actuelles, se rajoute des vagues électroniques comme sur Open the Floodgates ou le titre d'ouverture The Same, plombant à souhait, mais tellement beau.
Certe, le disque est long, la pochette ratée, mais c'est presque un lot de consolation pour celles et ceux qui aiment tant se moquer de Radiohead et de sa dépression latente. On leur conseillera malgré tout d'aller au bout d'un tracklisting globalement pas vraiment optimiste (cf le titre The Smoke sur le réchauffement climatique) pour apprécier We don't know what tomorrow brings, un énième titre pointant du doigt le futur indécis. Avec la présence du London Contemporary Orchestra à leurs côtés, les deux membres hystériques de Radiohead viennent quant à eux de rajouter quelques points sur leur permis de voler. Et Thom Yorke, à 53 ans, de prouver qu'il reste encore l'un des meilleurs chanteurs d'Angleterre.