2021 M03 24
Depuis plus de vingt ans, Para One a multiplié les identités, et c’est à s’y perdre : producteur hip-hop, compositeur de musiques de films, DJ, réalisateur ou directeur artistique (pour Bonnie Banane et Meryem Aboulouafa, dernièrement), le Parisien touche à tout. Excelle dans tout.
On tient pour preuve son expérience au sein de TTC ou ses premiers albums en solo, deux époques différentes (les prémices du 21ème siècle, le croisement des années 2000-2010), deux ambitions opposées qui, pourtant, donnent à chaque fois naissance à une musique réellement neuve, une nouvelle façon de faire danser, une identité sonore, systématiquement en phase avec l’émergence d’une nouvelle génération d’auditeurs/musiciens. En gros, la scène rap dite « alternative », puis la French Touch 2.0 incarnée par des écuries telles que Ed Banger et Institubes.
Neuf ans se sont écoulés depuis son dernier album solo (« Passion »), et Para One trouve une fois de plus le moyen de bousculer ses habitudes, de remettre en question son identité musicale, sa démarche et, plus fort encore, sa méthode de composition. Pour Shin Sekai, premier extrait de son prochain album (« SPECTRE : Machines of Loving Grace », à paraître en mai), Jean-Baptiste de Laubier a ainsi construit sa mélodie à partir des tambours traditionnels japonais et des chœurs du Mystère des Voix Bulgares (déjà samplé par Thylacine sur Poly), dont les harmonies subliment ici les textures électroniques, amènent de la profondeur.
Tout se passe en réalité comme si Para One avait parfaitement digéré toutes ses expériences passées pour les formuler autrement dans un morceau qui doit autant à la musique de film qu'à l'avant-garde ou à l'électro de ses jeunes années.
Tout semble pouvoir arriver (et arrive souvent) dans les morceaux de Para One, captivants, foisonnants, où l'oreille est constamment sollicitée, questionnée. Riche en détails, Shin Sekai reste pourtant un single extrêmement joueur, étrangement dansant. Si bien que ce titre se décline en trois remixes aptes à faire jouir les hanches, tous crédités à des producteurs européens : le britannique Actress, l’allemand Alva Noto et Speakwave, nouvelle identité du français dynArec. « J'avais besoin de sortir de patterns et de systématismes liés aux formats et de prendre des virages inattendus, explique-t-il dans le communiqué de presse. Pour cela il a fallu avant tout m'autoriser ».
Para One s'est accordé une telle liberté que « Machines Of Loving Grace » s'annonce possiblement comme son projet le plus ambitieux, celui que ce proche collaborateur de Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu, Tomboy) a envisagé comme un album, un long-métrage et un live. Tout un programme, donc, censé assouvir l’ambition avouée du Parisien : s’affranchir des carcans de la musique occidentale (sur le disque, on trouve également des percussions indonéniennes, un gamelan, etc.), et prolonger l’évasion par le son.