30 ans après, que reste-t-il du Second Summer Of Love ?

En 1988, ravers et clubbers sous ecstasy réconcilient le rock et la dance music, donnent naissance à l’acid-house, choquent le protectionnisme de Margaret Thatcher et permettent au promoteur Wayne Anthony d’affirmer que la « MDMA a fait plus pour le multiculturalisme qu’aucun gouvernement ». Vingt ans après, on fait le point.
  • Peace and love. L'histoire est parfois remplie de questions mystérieuses. Comment, après tout, expliquer qu'une poignée de disques produits à Chicago, Détroit ou New York a pu faire trembler le gouvernement anglais de 1988 à l'été 1990 ? La réponse pourrait être toute simple : parce qu'ils suintaient la consommation d'ecstasy, parce qu'ils sont l'œuvre de Mr Fingers, Juan Atkins ou Kevin Saunderson, et parce qu'ils prônaient une révolution pacifique ; d'où l'émergence de ce nom, « Second Summer of Love », en référence au mouvement hippie de 1967.

    Body freedom. Au rythme de l'acid-house, on note en effet l’émergence d’une génération qui ne semble avoir que pour unique horizon un hédonisme symbolisé par la culture rave et un véritable esprit communautaire. Comme le confiait Dave Haslam aux Inrockuptibles :

    « Pour moi, l’une des grandes particularités de cette période est qu’elle a créé une unité entre les gens que je n’avais jamais vue auparavant. Si l’on devait parler de visée politique, alors ce serait celle de la création d’une communauté, faire en sorte que les gens se sentent unis. Ça me fait penser à la chanson de Funkadelic, One Nation Under A Groove. Pour moi, c’est une déclaration d’intention forte, un message politique puissant. »

    Esprit communautaire. Cet élan solidaire et festif, on le perçoit alors dans différents clubs de Manchester (l'Haçienda), d'Ibiza (l'Amnesia) ou de Londres (Shoom). Mais ce sont surtout les rave parties qui élargissent les horizons, étendent les week-ends (qui commencent alors le jeudi et s’achèvent d’épuisement le lundi suivant), attisent la foudre des médias britanniques ("Abattez les barons de l’acid", titre alors The Sun), servent de tract politique contre le gouvernement de Thatcher, qui ne sait alors que faire face à cet été qui s'éternise, et ne semblent avoir qu’une obsession : la jouissance immédiate.

    "L'énergie était presque palpable, écrit Laurent Garnier dans son autobiographie Électro Choc. C’était presque religieux, comme un rituel de groupe. Je jurerais que c’était comme un orgasme."

    Gueule de bois. Comme souvent, les lendemains sont rudes. En juillet 1989, la jeune Clare Leighton fait une hémorragie interne après une prise d'ecstasy à l’Haçienda ; un an plus tard, la Love Decade est prise d’assaut par les forces de l’ordre, qui emmènent avec eux 836 ravers. Adieu l’hédonisme, bonjour la prise de conscience !

    Mais ce Second Summer Of Love n’est pas devenu pour autant un vieux souvenir que l’on se remémore avec un brin de nostalgie. Son esprit, on le retrouve dans les warehouses parties organisées ci et là à travers le monde, au cinéma (Trainspotting, Human Traffic), dans la publicité (le célèbre Smiley jaune) et, bien évidemment, dans la musique grâce à tout un tas de groupes (Jagwar Ma, Rat Boy, Red Axes) qui continuent de faire danser sur des rythmes extatiques, un bob sur la tête, un baggy trop large au niveau des hanches et un cachet de MDMA bien caché sous la langue.

    Vous aimerez aussi