2022 M09 15
Tout ou presque a déjà été écrit à propos de Heat, cinquième film du réalisateur de Michael Mann. Les scènes de courses poursuites dans Los Angeles, le plan mythique réunissant pour la première fois De Niro et Pacino en face à face, jusqu'aux seconds rôles parfaits de Val Kilmer et la jeune Nathalie Portman. Mais si le long-métrage sorti en 1995 est devenu un classique, c'est aussi grâce à ses ambiances et à quelques moments de pur jouissance, comme ce moment où le flic Vincent Hanna (Pacino) survole la cité des anges by night, avant que ne se lance le New Dawn Fades de Joy Division, mais repris... par Moby. Un moment étonnamment rock, alors même que le musicien chauve américain n'a pas encore explosé avec l'album "Play", et qui illustre parfaitement la tension de chasse à l'homme qui règne sur ce film tout en chassés-croisés.
Si la présence de Moby au casting a de quoi surprendre, que dire de celle de Bono de U2 et de Brian Eno ? Encore fois, le titre n'a pas été composé spécialement pour le film, mais bénéficie d'un heureux alignement des planètes, puisque l'Irlandais a décidé, la même année, d'accoucher d'un disque méconnu ("Original Soundtracks 1") conçu comme la B.O. d'un film qui n'existe pas. Contrairement aux habitudes, le groupe joue ici majoritairement instrumental, d'où la présence du morceau Always Forever Now, parfaitement placé au montage, et très loin de Sunday Bloody Sunday, avec une pincée de rock électronique, mais tout en subtilité. Une sacrée surprise pour les fans de U2 qui, la même année, signait également un titre aux antipodes pour Batman Forever, le dénommé Hold Me, Thrill Me, Kiss Me, Kill Me.
Moby, U2 ou encore Lisa Gerrard (de Dead Can Dance)... on aurait vite fait de croire que la bande originale de Heat n'est qu'un rassemblement de vieux titres écrits par des dinosaures de l'industrie; et ce serait une erreur. Car si la B.O. peut parfaitement s'écouter indépendamment du film, c'est surtout grâce au fantastique travail réalisé par Elliot Goldenthal, un compositeur à qui l'on doit également les scores d'Entretien pour un vampire, Cocaïne Cowboys ou encore Alien 3.
En optant pour l'épure et les intrigues auditives, c'est lui qui va permettre au film d'obtenir cette couleur bleutée, à la fois nocturne et intemporelle. Plus tard, ce dernier confiera :
"Dans Heat, Michael Mann et moi étions partis pour une situation atmosphérique. C'était la première fois que j'utilisais ce que j'appelle un "orchestre de guitares" - où j'utilisais six ou huit guitares, jouant toutes avec des accords différents et empilés les uns sur les autres [...]. Ce n'était pas un type de partition où vous aviez besoin d'un grand thème orchestral pour frapper certaines actions avec de la musique, c'était beaucoup plus proche de la mentalité européenne de la musique de film".
Pari gagnant, et certainement l'une des raisons expliquant la réédition de la B.O. de Heat en vinyle en 2019, pour le plus grand plaisir des fans de Vincent Hanna et Neil McCauley, les deux héros d'un film qui se termine par un grand final avec, encore une fois, Moby sur l'ultra orchestral God moving over the face of the waters.
Que faire, après ça ? Reprendre le film depuis le début, puis revisionner cette autre scène de fin de Michael Mann, cette fois avec Miami Vice et l'Auto Rock de Mogwai, aussi épique.