40 ans après, l'histoire dingue du "Sweet Dreams" d'Eurythmics

Longtemps confinés à la marge de la pop, Annie Lennox et Dave Stewart voient leur destin basculer le 21 janvier 1983. C’est ce jour-là, après moult discussions avec leur label, que les deux Britanniques font rentrer la dance-music dans les foyers du monde entier.
  • À la fin des années 1970, le parcours d'Annie Lennox et Dave Stewart est quelque peu décousu. Les deux loustics sont en couple et font partie d'un groupe de rock (The Tourists) avec lequel ils donnent une flopée de concert tout en reprenant quelques standards de la pop (I Only Want to Be with You de Dusty Springfield). Hélas, la sauce ne prend pas. Quelques mois plus tard, en 1980, lors d'une tournée en Australie, une décision est prise. Fatidique, la décision : The Tourists n’a pas d’avenir, autant se séparer. Sauf que les deux amoureux ont d'autres idées en tête, et visiblement du talent à revendre. Même s'ils n'y croient plus vraiment...

    Alors qu'ils dorment dans un hôtel de Wagga Wagga, un bled situé au Sud de l’Australie, Annie Lennox observe Dave Stewart jouer du synthé. New Order vient de composer la BO du Blue Monday et, visiblement, cela crée des vocations : « Pourquoi ne ferions-nous pas de la musique électronique? », lance-t-elle. Problème : les deux tourtereaux sont endettés jusqu’au cou. Pire encore, ils sont sur le point de se séparer. Reste que l’envie de jouer ensemble est toujours là, il faut simplement s'arranger avec la banque pour obtenir un prêt et s'acheter du nouveau matériel. Plus adapté aux musiques électroniques, donc.

    La suite de l'histoire ressemble à celle de n'importe quel groupe s'essayant pour la première fois à de nouveaux instruments : l'apprentissage est laborieux, le processus de création également, et les premières mélodies franchement hésitantes. Le public ne s'y trompe pas : « In The Garden » (1981), le premier album de ce désormais duo, renommé Eurythmics, provoque aussi peu de remous qu’un concert de Muse en acoustique.

    Dos au mur, Annie Lennox et Dave Stewart digèrent peu à peu l'échec, travaillent, peaufinent la formule et finissent par encaisser les chèques : deux ans plus tard, le 21 janvier 1983, c'est en effet avec un single tout neuf, Sweet Dreams (Are Made Of This), que le duo fait sa véritable entrée dans les bacs. Pour celui-ci, Annie Lennox s'est notamment inspirée de sa souffrance personnelle, une déprime longue de plusieurs années dans laquelle elle puise pourtant une énergie nouvelle, quelque chose qui ressemble finalement moins à un cri du désespoir qu’à une pulsion de vie : « Il s'agissait de survivre au monde », a-t-elle confié au Guardian.

    Si la noirceur des paroles contraste avec l'enthousiasme de ce rythme ouvertement conçu pour danser, ce n'est pas là le seul paradoxe de Sweet Dreams (Are Made Of This), cette chanson que le label d'Eurythmics (RCA) refuse dans un premier temps d'éditer en single. Motifs : trop de superpositions de voix, pas de refrains et une mélodie trop éloignée des codes radiophoniques. Il faut même attendre le soutien d'un DJ américain pour que le grand public tende une oreille au single et incite RCA à le promouvoir comme il se doit : avec un clip qui fait la joie de MTV, une sortie en 45 tours et un nouveau look androgyne pour Annie Lennox.

    Sweet Dreams (Are Made Of This) devient alors le onzième single le plus vendu en 1983. C'est un succès, qu'Eurythmics voit se prolonger au fur et à des années, le morceau étant régulièrement utilisé dans des films ou des séries, voire même carrément repris par Marylin Manson. Mieux : il continue aujourd'hui de résonner dans les clubs du monde entier, tel un irrésistible manifeste pour le droit à faire la fête. Y compris quand on a le cœur lourd.

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