Qui es-tu Zuukou Mayzie, toi le cinéphile du rap français ?

Proche de Freeze Corleone, Krisy et Oklou, le Z réunit son entourage sur « Le film : le commencement » : un long-format inspiré par le 7e art où chaque titre est inspiré d'un classique du cinéma. Soit 25 morceaux qui en disent long sur le cerveau agité d'un artiste qui préfère être le réalisateur du projet que l’acteur principal. Rencontre avec un homme qui « pense avoir terminé Netflix ».
  • Ceux qui connaissent Zuukou Mayzie savent à quel point le membre du 667 (Freeze Corleone, Osirus Jack) a toujours envisagé ses projets comme différentes séries, dont les morceaux seraient les épisodes. C'était vrai en 2018, à l'époque de « J.M.U.A.Z ». Ça l'était d'autant plus avec « Primera Temporada » et « Segunda Temporada ». Toujours plus ambitieux, Zuukou Mayzie passe aujourd'hui au long-métrage avec « Le Film : le commencement », un projet qu'il considère volontiers comme « le premier épisode d'une saga en quatre volumes. »

    Au sein de ce prologue, déjà très fourni (25 morceaux, 59 minutes), plusieurs idées se révèlent séductrices : le titre des chansons, systématiquement référencé à un film (Maman j'ai raté l'avion, True Romance, Parasite, Léon, etc.), l’écriture, toujours très spontanée, et la cohérence de l’ensemble, jamais indigeste malgré des propositions mélodiques relativement éclectiques (drill, R&B, hyperpop).

    Chez beaucoup, un tel parti pris pourrait n'être qu'un gadget, un vague concept tout juste bon à donner un peu d'épaisseur à un projet sans réel intérêt. Ici, c'est tout l'inverse : Zuukou Mayzie a fait des études de cinéma, travaillé dans une boite de production et recouvert son corps de tatouages référencés au 7e art (Spiderman, Deadpool ou Star Wars). Au moment de définir son rôle sur « Le film : le commencement », l'intéressé se veut donc plutôt clair : « Sur ce projet, il faut me voir comme le réalisateur. Les morceaux où je suis présent derrière le micro, ce ne sont finalement que des caméos, un peu comme Stan Lee avait l'habitude de le faire. »

    À l’évidence, Zuukou Mayzie est un érudit, du genre à regarder Harry Potter et Le Seigneur des anneaux chaque année, à acheter une télé 7000 euros « juste pour regarder un film dans les meilleures conditions » et à pouvoir ponctuer ses phrases de références à Seth Rogen ou au réalisateur Tommy Wiseau. « La vérité, c'est que je n'ai pas de limites : je passe autant de temps à regarder des films indé et des blockbusters que des films légers avec Pierre Niney. »

    Entre tous ces films, ses longues rides en moto et ses sessions au stand de tir, Zuukou Mayzie a donc trouvé le temps de façonner un long-format digne de ce nom. Sans pression : « Le film : le commencement a pris plus d’un an. Dès que j’avais une idée, je l’enregistrais. Sinon, je ne me forçais pas. Je me posais devant Euphoria et je profitais. » Qu’on ne s’y trompe pas, il a tout de même fallu pas mal de travail pour parvenir à un tel résultat, et réunir un casting aussi séduisant : il y a les fidèles (Osirus Jack, Freeze Corleone) les bonnes surprises (Krisy, le Roi Heenok) et les artistes issus d'horizons différents.

    « Avec Oklou, on se connaît depuis un moment, c'était donc naturel. Eloi, je l'ai découverte grâce à ma nièce et j'ai appris qu'elle appréciait mon univers. Les étoiles s'alignaient. Quant à Tom Hardy, je suis un fanatique des morceaux de rap qu'il a pu enregistrer. J'ai fini par réussir à le joindre, et la partie 1 d'Aniki mon frère n'est là que pour teaser la suite, sur le prochain épisode. »

    Zuukou Mayzie dit avoir déjà tout en tête. La suite de l’histoire, les titres des morceaux, les invités : tout serait écrit sur un carnet, « à la manière d’un Tarantino qui anticipe chaque film et place des clins d’œil çà et là ». Un jeu de piste, voilà ce que pourrait bien être « Le film : le commencement », avec ses passages chantés, ses productions tour à tour électroniques, atmosphériques ou lofi (magnifique relecture de Docteur Lulu) et ses textes codés. « Il faut accepter de s'abandonner dans le projet, un peu comme dans un film de David Lynch où l'on ne comprend pas tout mais dont on ressort avec plein de scènes marquantes en tête ». Une façon, intelligente et courageuse, de sortir le rap d’une consommation à outrance et d'inviter chaque auditeur à écouter un projet à plusieurs reprises afin de le comprendre totalement.

    « En vrai, c’est aussi une bonne façon de suggérer aux gens des classiques du cinéma. En écoutant mon projet, ils n’ont plus à se galérer à chercher un film pendant des heures : ils ont une liste de qualité devant les yeux », plaisante-t-il, sans oublier de rappeler l’essentiel au moment de conclure : « Fuck Luc Besson ».

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