Qui es-tu Yvnnis, toi le nouvel orfèvre du rap parisien ?

« Héros » : tel est le titre d'un des derniers morceaux du rappeur du Val-de-Marne. C'est aussi ce qu’il pourrait devenir s’il continue à sortir des projets comme « NOVAE », impressionnant de maîtrise, de techniques et de richesse sur le plan mélodique. Portrait d’un jeune homme qui « écoute Coltrane, pas Goldman ».
  • Il y aurait, indéniablement, un livre à écrire sur l'importance du 94 dans l'histoire du rap français. De Lionel D à Lacrim, en passant bien évidemment par les différents membres de la Mafia K'1 Fry (Rohff, 113, Kery James, DJ Medhi...), nombreux sont les artistes à avoir fait du Val-de-Marne une école du micro d’argent, témoignant d'un évident rapport à l'écriture, d’une même nécessité de dire, de représenter.

    Dans un tel ouvrage, nul doute que Yvnnis pourrait lui aussi avoir le droit à son chapitre. Non pas que le jeune rappeur soit aussi influent que ses illustres prédécesseurs. C'est juste que son dernier projet, « NOVAE », est celui d'un artiste conçu pour durer, qui a visiblement écouté suffisamment de rap dans sa vie pour le reformuler en une poignée de morceaux maîtrisés, parfaits pour raconter une jeunesse française périphérique, coincée entre deux mondes, deux âges, entre un quotidien à accepter et un futur à imaginer.

    À l'écoute de « NOVAE », tout pourrait évidemment s’accélérer. « Des maisons de disques dans mes DM », avance-t-il, préférant pour le moment tourner le dos aux labels avec un certain sens de la dérision : « Ça m’demande de signer, j’sais même pas faire de chèque ». La vérité, c’est que tout ce qui fait la force de ce projet était déjà là depuis quelques temps : « PARHELIA » et « ETERNAL YOUTH » étaient certes moins aboutis, peut-être plus fragiles dans la démarche, mais ils donnaient déjà l’impression d’être face à un artiste né pour rapper (« On dirait que j’rappe depuis 96 »), tout en aisance, en techniques et en fulgurances. Ses différents freestyles, chez Grünt ou Booska-P, en attestent.

    Avec un certain sens du style, Yvnnis raconte effectivement les coulisses de l’indépendance, ne tait rien de ces douleurs qui tuent sans bruit (« J’ai la main sur le cœur, il est tellement froid, on dirait qu’j’ai la main sur le gun ») et, surtout, se mesure à une musicalité mouvante, incroyablement moderne et ambitieuse : CBPM se conclut ainsi par près de cinquante secondes d’instrumentation, tandis que ENCORE s’ouvre sur une déflagration de synthés tellement puissante qu'elle éloigne illico  « NOVAE » d'un possiblement rapprochement avec le boom-bap. 

    C'est que Yvnnis, à l’instar de NeS, dont il est proche, fait évidemment partie de cette école de la rime, où chaque phrase sonne comme un élan vital à dire des vérités, où la forme ne prend jamais le pas sur le fond : « Ça n’sert à rien d’avoir une belle paire avec des lacets crades », métaphorise-t-il. Comprendre : kicker, oui, mais jamais au dépend de l'introspection ou des constats teintés d'amertume (« J'remplis mon verre dans une soirée où je ne m'amuse même pas »).

    Subjugué par l'écoute régulière et répétée de ces dix morceaux, on en vient logiquement à se demander comment cela se passe en studio aux côtés de son producteur, Lil Chick. Pour l'heure, difficile d'en savoir plus. Mystérieux, Yvnnis donne l'impression d'avancer à son rythme, sans particulièrement se soucier d'expliquer la naissance de WASHINGTON, HÉROS ou le formidable SOLEIL PLUVIEUX : soit des chansons qu’auraient pu imaginer les anciennes générations - les références sont old school : Nas, Biggie, Three 6 Mafia - et pourtant redevables à un jeune artiste à qui l’on prédit une longue carrière. Aussi longue que la lignée de rappeurs dont il est issu.

     

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