Qui es-tu NeS, toi le nouveau prodige du rap technique ?

Sorti dans une discrétion qui confine à l’injustice, « LA COURSE » de NeS est pourtant l’EP à écouter en cette rentrée : l’incarnation d’un rap porté à ébullition par un jeune rappeur prêt à donner des leçons aux anciennes générations amatrices d’introspection et de technicité.
  • « J’rappe comme un an-ienc' / J’ai même pas 20 piges ». Placée en intro de PUCHKA, extrait de l’EP « LA COURSE », tout juste sorti, cette punchline en dit long sur le genre de rap proposé par NeS, à mi-chemin entre le traditionnel boom-bap et les expérimentations lo-fi. Comme s'il s'agissait pour le jeune homme de se distancier délibérément de toute sensibilité mainstream. Comme s’il évoluait dans un monde où le cloud et l’autotune n’avaient pas pris d’assaut le paysage rap. Comme si, malgré son jeune âge, NeS se moquait ouvertement des tendances, convaincu que la politique du cool n’a que rarement à voir avec la véritable créativité.

    « Don’t believe the hype », disaient les gars de Public Enemy. NeS défend la même croyance. Ses chansons, étirées sur à peine trois minutes, s’entendent comme des fulgurances faisant la part belle aux plaisirs simples (« J'écoute du Snoop sur un scoot, c'est peut-être ça la vraie vie ? »), privilégiant l’introspection aux bangers, refusant les tics de production trop évidents pour accueillir des pulsations électroniques ou des sonorités héritées du jazz et des musiques synthétiques.

    Jamais nostalgique, toujours pertinent, NeS est surtout jeune et ambitieux : « On se contentera pas du minimum vital / Faut la SACEM de Gims ou minimum Vitaa ». Le propos a de quoi étonner, surtout lorsqu’il s’infiltre dans un rap aussi biographique. Il rappelle toutefois une réalité : dans un monde juste et dénué de calculs mercantiles, TOPAZ aurait tout pour être autre chose qu’une simple curiosité échangée entre puristes.

    Sans tomber dans la surenchère, on peut même dire qu’il s’agit là d’un des grands morceaux de l’année, le titre d’un rappeur qui témoigne d’une vraie élasticité dans le flow, jamais aussi séduisant que lorsqu’il s’abandonne à son verbe mélancolique : celui d’un homme pour qui le côté obscur de la vie n’a visiblement aucun secret. À tel point que, si l’on se fie à son clip, NeS finit par en saigner des yeux.

    Après plusieurs projets publiés dans l'indifférence générale, NeS franchit aujourd'hui un cap. On s'échange son nom, on vante sa technique, on parle de lui comme un rookie à suivre de près. Avec « LA COURSE », le Parisien fait encore mieux : il parvient à affirmer un peu plus son talent, notamment ce sens de la formule et ces phrases imagées qui sonnent comme une vérité froide, sans espoir ni véritable lueur, sinon celle d’un néon crépitant dans une obscurité qui laisse à penser que le pire est sur le point de se produire. Ce pourrait être désespérant. C’est pourtant tout le contraire qui s'opère grâce à un sens de la narration doublé d’une réelle ambition musicale . Une preuve ? NeS en fournit au moins deux : KILLCAM, en duo avec Luthor, et PÔLE SUD. Deux morceaux qui, en peine à quatre minutes cumulées, offrent de jolies pistes à suivre pour l’avenir du rap. Tout en agilité et réflexions clairvoyantes.

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