2022 M10 2
Brattleboro, dans le Vermont. Une ville américaine d'environ 12 000 âmes qui ressemble à beaucoup d’autres. Très clairement, pas le genre de lieu où s’installent les jeunes musiciens pour lancer leur carrière musicale. Mais pour Echo Mars, Lu Racine et Nathaniel van Osdol, les trois membres de THUS LOVE, c’est la ville qu’iels ont choisi pour créer autour d’eux une communauté. Et trouver un havre de paix pour composer leur propre musique. Ici, iels ont pris leurs habitudes au Buoyant Heart — un espace dédié aux arts —, iels ont créé un home-studio et ont franchi les étapes en se produisant souvent dans la salle locale, The Stone Church. Et maintenant, avec un premier album intitulé « Memorial », la formation compte franchir un nouveau palier.
THUS LOVE s’est formé quand Echo a fait la rencontre de Lu dans une imprimerie, en 2018. Moins d’un an plus tard, Nathaniel les rejoint à la basse. Ensemble, iels décident de louer un petit appartement en ville et de fabriquer, grâce à des vidéos et des tutos sur YouTube, un home-studio. Un lieu pour créer où iels branchent leurs instruments quand les voisins ne sont pas là, histoire d’éviter les querelles de voisinage. Pas facile puisque le groupe, comme la majorité des habitants sur cette Terre, était confiné. Mais iels parviennent à bâtir les fondations de « Memorial » dans cet espace, qui est à la fois leur maison et leur studio. « J’ai réalisé que la plupart des artistes ne vivent pas de cette façon, explique Echo dans un communiqué de presse. Mais pour nous, ce n’a jamais vraiment été un choix. L’art que nous créons est tellement lié à qui nous sommes et à la communauté à laquelle nous appartenons, que c’est la seule façon dont nous pouvons créer ».
Au printemps 2022, THUS LOVE signe un contrat avec Captured Tracks (DIIV, Beach Fossils, Wild Nothing, Mac DeMarco, etc.), un label américain en perte de vitesse depuis quelques années qui cherche un renouveau.
Si l’on peut facilement trouver des similitudes avec d’autres groupes et artistes — les Smiths, David Bowie, Ought pour les plus évidentes, Cocteau Twins, The Chills et Rowland S. Howard pour les plus subtiles — THUS LOVE a fatalement l’envie de définir ses propres standard musicaux. Sur l’album « Memorial », il y a des moments où la formation réussit son coup, et parvient à créer une musique libérée et singulière (Repetitioner, In Tandem, Morality, Pith and Point). À d’autres moments, les spectres de Bowie et des Smiths sont trop présents, et prennent le dessus sur l’originalité. Par exemple Family Man sonne comme le Heroes de Bowie chanté par Ought. Friend pourrait presque figurer sur un album de la bande à Johnny Marr et Morrissey. Mais on retrouve, dans la musique de THUS LOVE, un jeu d’équilibre en la puissance et la délicatesse. Une volonté de contraster la frénésie des guitares avec une voix élégante et éclatante. Une recette qui a déjà fait ses preuves, mais qui apporte aux compositions de THUS LOVE plusieurs niveaux de lecture, plusieurs couches qui se dévoilent au fil des écoutes.
Avec « Memorial », THUS LOVE sortira de nulle part, le 7 octobre, un premier album qui fait l’effet d’une belle surprise. Il prouve une fois de plus que le rock est une grande famille où l’on peut trouver refuge. Et que ce style parviendra toujours à se faire entendre, même depuis le fin fond des États-Unis.
@Crédit photo : Ebru Yildiz