2022 M06 23
C’est quoi le pitch de Film Noir ?
Alexandre : J’ai commencé la musique avec ma sœur Joséphine en créant le groupe Singtank en 2010. On était à la fin de l'époque MySpace et on a eu un micro buzz sur certaines de nos chansons, notamment un titre qui s'appelle Ursus. De là, on a rencontré des labels et Warner nous a directement fait une offre. On faisait de la musique dans notre chambre et tout d'un coup on a été propulsé dans un autre univers. C'est presque allé trop vite. On avait deux titres adaptés pour la radio, mais je pense qu'on avait pas les épaules pour assumer un statut de cette envergure.
Dès le deuxième album de Singtank, on a voulu prendre plus le temps afin de travailler le son du disque. La forme la plus aboutie de cette démarche, c'est Film Noir. C'est en sortant de la dernière tournée de Singtank qu'on s'est rendu compte des limites d'un live très pop. On voulait avoir un « vrai groupe ». On a rencontré d'autres musiciens et à cinq — avec ma sœur Joséphine, Virgile Arndt, Martin Rocchia et Guillaume Rottier — on a commencé à trouver le son de Film Noir.
Comment vous avez abordé ce premier album « Palpitant » ?
On a commencé par faire le tour des salles parisiennes pour se rôder (Espace B, Supersonic, Olympic Café, etc.). Entre temps, Joséphine s'est installée à moitié à Londres. Et de date en date, on a rencontré des gens sur place en Angleterre, et notamment Ben Romans-Hopcraft, qui fait partie de formations comme Insecure Men ou Warmduscher, et avec qui on a commencé à travailler. En mars 2021 en Grande-Bretagne, le pays était en plein confinement, mais comme Joséphine était là-bas, on s'est dit qu'on pouvait aller enregistrer le disque à Londres avec Ben. Arrivé sur place, on était en quarantaine et on l'a passée dans le studio où il travaille. On a passé dix jours à faire de la musique, comme une parenthèse dorée dans une période compliquée. L'album, c'est vraiment l'enregistrement de ce moment et l'aboutissement de trois ans de concerts et de répétitions.
Comment la cohérence se fait quand on a des titres plus bruts qui côtoient des morceaux plus doux et pop ?
Ce qui réunit tous les membres du groupe, c'est qu'on a tous des goûts larges. Histoire d'un Soir, c'est plus quelque chose qui se rapproche de Timber Timbre. Et en même temps Circus est plus explosif. L'évidence, c'est quand on joue ensemble et quand on retrouve nos affinités musicales communes. On assume aussi un premier album ouvert à tout ce qui nous a nourri musicalement depuis plusieurs années. Et qui est, par définition, l'album d'un groupe qui est en train de se trouver.
C'est la critique que j'ai à faire sur ce disque : Erotica et Circus représentent bien le groupe à mon sens, tandis que d'autres morceaux sonnent déjà comme du déjà-vu.
Ce premier disque, c'est l'aboutissement de la première phrase du groupe. Mais on se rend compte que c'est la patte plutôt agressive du groupe qui emporte les gens en concert. Donc c'est peut-être la-dedans que le groupe s'affirme le mieux. Assez naturellement, c'est une direction plus intense qu'on est en train d'être prise. Le morceau Erotica est entré en playlist en Angleterre sur la BBC 6 et pour nous, c'est une forme de validation. Je pense qu'on a besoin de ce genre de signaux pour être en pleine confiance et assumer ce son.
Comment Carlos O'Donnell de Fontaines D.C. s'est retrouvé sur le disque ?
Carlos vivait à Paris et il est venu à l'un de nos concerts. Il a bien accroché, on a pas mal parlé et on a enregistré une cover de Lee Hazlewood ensemble le lendemain. Quand on était à Londres, on l'a recontacté et il est passé au studio pour essayer des choses. Il a fini par jouer de la guitare 12 cordes sur le titre I Will Rise.
Le succès de Fontaines D.C. est en partie lié à leur identité. Ça vous parle ?
Ils ont commencé dans des pubs à Dublin et puis de concert en concert, il s'est passé quelque chose. Ils se sont renforcés dans leur son et c'est ce qu'on a essayé de faire avec Film Noir en enchaînant les concerts. Ils ont aussi des chansons très mélodiques, d'autres beaucoup plus rock et brutes, mais ils gardent à chaque fois un style qui est le leur. Et ça, c'est un exemple pour nous.
Crédit photo : @Eleonore Wismes