2022 M04 25
Quand en 2011, les Strokes balancent « Angles », la moitié des fans ne comprend pas, l’autre commence à regarder ailleurs sur Spotify pour leur trouver un remplaçant. Ça ne sera pas Deerhunter, ni les Vaccines, ni même les Libertines, fraîchement de retour. Non, en 2011, le rock ne vend plus vraiment de rêve — mais ça c’était avant qu'une nouvelle génération ne retrouve le chemin des magasins de guitares.
Bref, tout ça pour vous dire qu’on est maintenant en 2022 et que ça fait des lustres qu’il faut se tourner vers l’Australie, et plus précisément Melbourne d'où viennent ces punks, pour trouver parmi les groupes les plus excitants. Romero, qui vient tout juste de sortir son premier album « Turn It On! », c’est typiquement la formation à cheval entre l’indie 2000 et le présent qui prouve deux choses : que ce pays est définitivement une mine d’or musicale. Et que là-bas, les jeunes semblent totalement décomplexés, prêt à tout pour sauver un style qu’on annonce en permanence au bord du gouffre mais qui parvient toujours à rester en vie. NB : on se dit que s’ils avaient été fans d’Elvis Presley, ils auraient pu s’appeler Romero Elvis.
Alanna Oliver est la frontman de ce groupe, et par ailleurs la seule femme du groupe. Les quatre autres zozos sont tous des mecs aux cheveux plus ou moins longs. Avant de créer Romero, et de se lancer à toute vitesse sur piste cyclable du rock — écologie oblige — elle faisait partie d’un tribute band des Blues Brothers avec lequel elle jouait des standards comme Think d’Aretha Franklin ou encore Proud Mary de Tina Turner, comme l’explique Pitchfork.
Via un pote, elle rencontre les frères Johnstone, deux mecs qui étaient dans un groupe baptisé Summer Blood inspiré par Dinosaur Jr. Les trois finissent par jammer ensemble et bam : l’alchimie est là. En 2018, le trio dégotte deux autres mecs pour compléter le line-up. Le groupe est prêt. Sauf que Alanna n’a jamais joué dans un bar rock avant, plutôt habituée aux établissements lounge. Mais quatre années plus tard en 2022, la chanteuse déclare : « J’ai dû renforcer mon authenticité au lieu de jouer à la petite punk ». Visiblement, elle a réussi.
Comme les bons groupes passent rarement inaperçus, il aura suffi de quatre concerts à Romero pour affoler quelques labels du coin. C’est finalement vers Cool Death (label australien fondé par Alessandro Coco) qu’il se tourne, et sur lequel il commence à balancer ses premiers morceaux. La formation débute alors sa vie de groupe, notamment en assurant les premières parties de Sheer Mag ou encore Twin Peaks. Mais le Covid débarque dans nos vies et Romero se doit de temporiser un peu, le temps que la planète ne se remette à tourner dans le bon sens.
Avec l’espoir que tout revienne comme avant, Romero a donc sorti « Turn It On! » en avril, qui sonne comme une virée en van à travers l’histoire du rock. Certains y voient des bouts de Thin Lizzy, d’autres pensent à Blondie ou Cheap Trick. Mais ce sont bien les Strokes qui sautent aux oreilles, suivie de près par les Vaccines et Kaiser Chiefs. Il suffit d’écouter Happy Hour pour y voir des ressemblances avec des titres comme Soma ou Under Cover of Darkness — Romero est bizarrement à mi-chemin entre les Strokes de 2001 et ceux de 2011 de « Angles ».
Mais comment le groupe sort des jupes des Américains ? Déjà par la voix d’Alanna, féroce et indéniablement faite pour ce style. Et par une capacité à évoquer d’autres univers musicaux sans se trahir. Par exemple Crossing Lines a un aspect presque soul — notamment dans la manière d’Alanna de chanter, un reliquat de ses années Blues Brothers. En mélangeant l’efficacité des riffs, la puissance de feu d’une voix taillée pour les stades et l’envie de faire résonner le « bon vieux rock », Romero n’invente rien, mais atteint sa cible. Simple, basique, rock, à l’instar du tube Halfway Out The Door, qu’on a envie de réécouter en s’imaginant avoir à nouveau 16 ans.
L'album « Turn It On! » de Romero s'écoute juste ici.