2021 M12 8
Enjouée, rêveuse, singulière, timide, fragile, juvénile, ténébreuse et pourtant terriblement attachante. PinkPantheress est tout cela à la fois. Une artiste de sa génération, donc, qui fascine autant les plus jeunes (près de 2,5 millions de personnes ont utilisé Just For Me dans leurs vidéos TikTok) que les artistes. Ainsi, tandis que Billie Eilish, Lil Nas X, Charli XCX ou encore Grimes et Lizzo se font les meilleurs attachés de presse de la Britannique en Amérique, l'enthousiasme se veut tout aussi prononcé de ce côté-ci de l'Atlantique, où Damso a placé un de ses titres dans sa playlist actant le lancement de TheVie Radio sur Apple Music.
Même degré d’excitation chez Oklou qui, quelques heures avant de monter sur la scène du Hasard Ludique en octobre dernier, confiait sa fascination pour cette artiste « au son hyper moderne, capable de dévoiler très peu de sa personne au sein d’une époque pourtant dominée par l’image. » Réponse de l'intéressée ? « Je veux laisser parler ma musique pour moi, plutôt qu'attirer l’attention sur moi. J’aime l’intimité, que les gens ne ne regardent pas », explique-t-elle à Numéro, et ce même si elle a fini par poser pour une campagne pilotée par Marc Jacobs.
Si PinkPantheress suscite autant de fascination auprès de tous ceux qui ont eu la bonne idée de poser une oreille sur sa première mixtape, « To Hell With It (10 titres pour 18 minutes d’efficacité pure), c'est sans doute parce qu'elle a réussi avec ce projet ce qu'une flopée de jeunes artistes chantant comme elle allongés dans leur chambre, entre deux cours à l'Université, ne parviendront à accomplir que dans leurs rêves : développer un son, hérité des années 1990 (drum'n'bass, jungle, 2-step) sans jamais sentir la poussière ou le renfermé.
À l’image, encore une fois, de Just For Me : plus qu’une simple pop-song à la simplicité séduisante, un tube intouchable, un véritable classique pour cette fameuse génération Z, de ceux qui créent des vocations et bâtissent des obsessions. Un titre dans la droite lignée de ceux qui ont motivé la Britannique à produire ses propres morceaux dès 17 ans, et pourtant totalement différent de ses premiers amours musicaux : Blink-182, Good Charlotte, ou encore My Chemical Romance, dont elle reprenait les chansons au sein d'un groupe lorsqu'elle avait 14 ans.
Nostalgique, PinkPantheress ? La chanteuse et productrice accepte volontiers l'épithète, avec visiblement une préférence pour les années 2000. « La musique était si peu soignée et si cool, j'ai l'impression que les gens n'avaient pas peur d'être un peu crades », raconte-t-elle à i-D. D'où, sans doute, ses photos semblables à celles que l'on choisirait pour un profil Myspace, ses clips à la résolution volontairement faible et ce style qu'elle définit volontiers comme du « New nostalgic ».
La Britannique n'est pas la seule à éprouver cette sensation : selon un récent sondage de Dolby, 80% des jeunes utilisateurs de TikTok seraient convaincus d'être nés à la mauvaise époque. Toute l’intelligence de PinkPantheress est donc se faire l’écho, même inconsciemment, de cet sentiment et d’inventer une musique qui fantasme ce passé tout en faisant défiler des intentions singulières, comme sur Pain, où elle sample un classique de la UK Garage (Flowers de de Sweet Female Attitude) pour mieux ralentir le beat et offrir un contraste dansant à ses paroles, quelque peu désabusées. « Je n'étais pas censée être aussi ennuyée à 19 ans », confesse-t-elle sur Nineteen, avec cette voix apaisante qui semble pouvoir tout dire, tout raconter, tout incarner. Les peines de coeur comme la fin de l'adolescence et, pourquoi pas, l'avenir de la pop ?