2021 M09 8
Il est toujours difficile d’écrire sur un producteur quoi que ce soit qui dise vraiment quelque chose de lui. Peut-être parce que sa vie - ou du moins, sa carrière - est entièrement dédiée aux autres. Peut-être aussi parce qu’il passe tellement de temps en studio que l’on se l’imagine aisément en ermite, tenu à l’écart des contraintes et des réalités de la vie.
C’est là toute la beauté de « Grand romantisme », le premier long-format de PH Trigano : on comprend ici que tout le travail accompli par le Parisien ces dernières années lui a permis de prendre la confiance nécessaire pour élargir sa zone de confort, qu'un artiste n'a pas à être confiné dans des esthétiques bien figées, que toutes ces productions livrées à une flopée de rappeurs (Lala &ce, Loveni, Slimka, Di-Meh, L'Or du Commun, etc.) ont fait naître chez lui d’autres ambitions, plus personnelles, plus intimes. « Je fais de la musique en solo depuis longtemps, précise-t-il, comme pour rappeler qu'il a commencé à bidouiller ses premiers instruments à 11 ans et qu'un EP est déjà sorti en 2019 (« Poésie humaine »). J'ai juste décidé de me mettre en avant à un moment parce que j'avais de plus en plus envie de partager de la musique qui m'appartenait, et aussi parce que je voulais échanger avec les gens sur ce thème qui nous touche tous, l'amour. Surtout après les deux années très étranges qu'on vient de passer. »
Il y aurait des correspondances à tisser entre « Grand romantisme » et « Bisous », le premier album de Myth Syzer. On y retrouve la même volonté de parler des relations amoureuses, la même influence de la pop française, même si PH Trigano dit être surtout inspiré par Gainsbourg et se « nourrir principalement de musiques anglophones et de rap français », le même sens des refrains attrape-cœurs, la même faculté à résumer un sentiment ou une émotion en une phrase qui claque (« Mieux vaut fuir les belles filles avant qu'elles te figent »). À l’inverse du producteur de Bon Gamin, collectif dont PH Trigano est proche, ce dernier a toutefois opté pour un disque interprété essentiellement en solitaire.
« J’ai beaucoup de chance de bosser avec tous ces artistes, que ce soit des rookies ou des gens plus confirmés. J’apprends chaque jour un peu plus grâce à eux. Reste que ce projet devait se faire de cette façon, même si Ichon, Swing et Melissa Bon sont présents. Tout simplement parce qu'une rupture amoureuse est quelque chose qui s'aborde seul. Tu as besoin de faire face à tes sentiments, tes démons, tes problèmes personnels, etc. Être seul était donc pour moi une façon de réaliser l’œuvre la plus sincère possible. »
Pour parvenir à ce résultat, très léché, très accrocheur, celui qui se dit inspiré aussi bien par les Neptunes que par la trap californienne avoue avoir pas mal galéré, notamment à cause du regard des autres, toujours méfiants à l'idée de voir un producteur s'essayer au chant. « Quand tu chantes juste et bien, les gens vont dire qu'il y a un truc qui ne va pas, et quand tes paroles sont de plus en plus intéressantes, ils vont trouver qu’il manque de quelque chose… En gros, tu te prends plus de portes qu'on ne t'en ouvre, mais il faut faire preuve de résilience. »
Surtout, Pierre-Hadrien s’est posé les bonnes questions : « Après tout, qui a envie d'écouter quelqu'un parler de ses problèmes amoureux à longueur de temps ? ». Heureusement « Grand romantisme » ne se limite pas à ces longues complaintes endeuillées : au milieu des potentiels hits (Rêver de toi, Escroc) ou de titres plus hybrides (J’essaye), le multi-instrumentiste donne au contraire l'impression de chercher l’optimisme, le réconfort, avec cette cool façon de sourire à ses blessures et de privilégier des harmonies légères, souvent ensoleillées, parfois pop, qui se refusent à croire à l'extinction du sentiment amoureux.
« Grand romantisme », sortie le 10 septembre.