2020 M12 9
Deux losers qui tentent un lifting pour paraître cool, un pneu tueur attiré par une fille, un quarantenaire qui développe une obsession pour un manteau en daim, deux amis qui tentent de dresser une mouche géante dans l'idée de devenir riche... À première vue, le cinéma de Quentin Dupieux pourrait paraître débile, aussi vide que le regard d’un homme dont le code PIN serait « 1, 2, 3, 4 ». C’est plutôt celui d’un réalisateur audacieux, capable de développer une autre forme d’humour, guidé par l’envie de surprendre et obsédé par l’idée d’inviter des musiciens dans ses films : SebastiAn et Kavinsky dans Steak, Orelsan dans Au poste !, Marylin Manson dans Wrong Cops, Pedro Winter dans Rubber ou encore Roméo Elvis dans Mandibules.
La musique, chez Quentin Dupieux, occupe de toute façon une place essentielle. Parce que le mec s’est taillé une solide réputation au sein du paysage électronique et de la pop culture en tant que Mr. Oizo ? Oui, mais pas que. Plonger dans sa filmographie, c’est se confronter également à des B.O. de grande qualité, toutes portées par des obsessions différentes (la nervosité de la techno, l'électro-acoustique, le goût des partitions à siffloter dans la rue, etc.) et toutes vouées à traduire en musique des images ou des scènes parfois incomprises du grand public.
Steak (2007)
Longtemps, les comédies françaises ont été accompagnées par des mélodies populaires, ancrées dans l’imaginaire collectif – merci pour tout, Vladimir Cosma ! Aujourd’hui encore, tout le monde s’y réfère. Le problème est que personne n’ose s’aventurer sur le même terrain. À l’exception peut-être de Quentin Dupieux qui, en 2007, aux côtés de Kavinsky et SebastiAn, profite de la sortie de Steak pour s’inscrire dans l’héritage du compositeur de La chèvre, L'as des as ou Le Père Noël est une ordure.
En résulte une B.O. composée à six mains, qui sample un morceau de Marie Laforêt (Letrablaise), contient quelques tubes (Skatesteak, Chivers as a Female), symbolise les grandes heures de la French touch 2.0 et renouvelle avec une certaine audace et une évidente modernité (la touche électronique, forcément) les bandes-originales mythiques des comédies grand public des années 1970/1980.
Rubber (2010)
Du clavecin, de la flûte, de l'électro tapageuse, un morceau disco nommé Sheila ou encore des clins d'œil à Jean-Michel Jarre et à La Boum : là encore, Mr. Oizo prouve qu’il sait tout faire. Y compris embarquer ses potes (en l’occurrence Gaspard Augé de Justice) dans des projets aussi libres que farfelus. Everything Is Fake dit un des titres, profondément mélancolique : peut-être, après tout, mais certainement pas la musique de ces deux zinzins, qui profitent alors de la confiance de leur maison-mère (Ed Banger Records) pour expérimenter, loin des contraintes et des calibrages.
Wrong (2012)
Cette fois, c’est David Sztanke de Tahiti Boy que Quentin Dupieux convie le temps d’une B.O. partagée entre des moments nerveux (en gros, les morceaux de Mr. Oizo) et les instrumentaux plus apaisés - ceux de son partenaire de jeu, également collaborateur de Christophe Honoré. C'est parfois minimaliste, d'autres fois plus orchestré, mais ça offre systématiquement un écho aux errances de Dolph, le personnage principal, toujours un peu à l'ouest, toujours un peu en décalage avec son époque.
Wrong Cops (2014)
Quentin Dupieux a tellement été productif depuis la fin du siècle dernier qu'il peut par instant se permettre de marquer une pause, de regarder dans le rétro et de puiser dans sa discographie des morceaux à même d'illustrer ses films. C'est le cas de Wrong Cops, dont la B.O. est une sorte de best-of de Mr. Oizo. Avec, en prime, la présence de Stunt, composé au mitan des années 2000, du temps où le Français se la collait aux côtés de Laurent Garnier sur F Communications.
Mandibules (2020)
« Ma musique était au départ un accompagnateur rassurant, mais je suis content d’en être libéré. Je peux aborder mes films autrement », disait Quentin Dupieux dans une interview à Trois Couleurs au moment de la sortie de Au Poste ! en 2018. À l'époque, le Français avait confié la B.O. à David Sztanke. Cette fois, c'est à Metronomy, dont il a réalisé le clip de Night Owl en 2016, de définir le paysage sonore de Mandibules. Une soundtrack dont on sait encore peu de choses, mais qui semble une fois de plus influencée par les paysages sonores autrefois composés par François De Roubaix et Vladimir Cosma.