2022 M11 19
Il peut y avoir débat. S’agissait-il d’un projet solo de Sid ou d’une véritable envie de créer un groupe ? Ce qui est sûr, c’est qu’a ce moment-là de sa courte vie, l’ancien bassiste des Pistols, camés jusqu’à l’os et totalement perdu dans ce monde de fou, est au bord du précipice. Et que même accompagné par des super musiciens, ce punk anglais était en réalité l’une des plus belles escroqueries de la musique. On rembobine.
En janvier 1978, les Sex Pistols sont embarqués dans une tournée totalement chaotique dans le Sud des États-Unis. Sid, qui peine à trouver ses doses, est une épave. Et John Lydon est à bout. Le groupe décide de mettre fin à la mascarade. Le jeune bassiste de 20 ans prend la décision de s’installer à New York avec sa copine, Nancy Spungen. Elle croit en lui et pense qu’il peut devenir une star, même en solo. À force de traîner le soir dans les bars et les clubs de la grosse pomme, Sid se fait des copains. Des punks. Et s’acoquine avec des pointures : le guitariste Steve Dior (The Idols), Arthur Kane et Jerry Nolan (qui ont tous les deux joué dans les New York Dolls). Même Mick Jones s’investit un temps dans le projet. Sid, qui sait à peine jouer de la basse, assure le chant. Ça y est : The Idols With Sid Vicious est sur pattes et le supergroupe donne ses premiers concerts en septembre 1978 au Max's Kansas City à New York. Une tournée qui passera notamment par Boston est sur les rails.
Un documentaire intitulé Sid : The Final Curtain (2022), et projeté lors du festival Musical Écran de Bordeaux, revient sur cet épisode de la vie du bassiste, quelques mois avant sa mort en février 1979. À travers les témoignages de personnes présentes à l’époque — des photographes, des membres des New York Dolls, des gérants de clubs, des artistes, etc), le film raconte les déboires de cet Englishman in New York. Et les avis sont mitigés.
Certaines personnes appréciaient l’énergie qu’il dégageait tandis que d’autres trouvaient que Sid ne tenait pas la route et qu’il oubliait les paroles des covers que le groupe jouait sur scène. Car la formation reprenait en live des classiques punk rock, allant des Stooges (Search And Destroy, I Wanna Be Your Dog) au Sex Pistols (Belsen was a Gas) en passant par les Ramones (Chinese Rock) ou encore les Monkees ((I'm Not Your) Stepping Stone). Sid chantait aussi le fameux My Way sur scène, une reprise du classique de Frank Sinatra.
Avec de l’implication et du temps, The Idols With Sid Vicious aurait pu grandir, écrire ses propres chansons et marquer le paysage musical de l’époque. Mais avec Sid dans ses rangs, autant dire que la mission était extrêmement compliquée. Le 30 septembre 1978, la formation donne son dernier concert au Max's Kansas City — il y a des images du dernier concert de Sid dans le documentaire. Puis le 12 octobre, Nancy Spungen est retrouvée morte dans sa une chambre au Chelsea Hotel de New York, assassinée d'un coup de couteau à l’estomac. Sid se réveille et appelle les secours. Il est accusé du meurtre mais Virgin paie la caution et le chanteur est libéré.
Il continue de traîner à New York et tente de mettre fin à ses jours. Il n'est plus question de reprendre les répétitions avec le groupe. Dans son livre In The Seventies, Barry Miles raconte :
« À New York, j'écoutais souvent les nouveaux groupes à l'étage du bar Max's Kansas City, avant de me rendre au CBGB. Une nuit, en octobre 1978, Sid Vicious s’y trouvait, chargé jusqu’aux yeux, libéré après avoir payé une caution de 50 000 dollars pour le meurtre de Nancy Spungen, sa petite amie âgée de 20 ans. C’était une vision abjecte : des punks serviles, massés autour de lui, se poussaient pour lui payer un coup ou le fournir en drogues. Lui-même, bouffi, totalement à côté de ses pompes, un œil presque fermé, chancelait, les sens aux aguets dans l’unique but de profiter de ses attraits nouveaux pour séduire la plus attirante des punks suspendue à son bras : ''tu comprends, je n’ai pas été avec une femme depuis la mort de Nancy…'' »
Le 1er février, il se rend à une fête organisée par sa nouvelle copine, Michelle Robinson. Il meurt dans son sommeil et sera retrouvé mort le lendemain. Fin de l'histoire.
Crédit photo : Flickr S. fitzstephens.