2022 M02 15
Ils n’ont pas encore l’âge de commander une pinte au pub ou d’aller voter. Mais Saul Kane (guitare, voix), Louis Bullock (batterie), Ezra Glennon (basse) et Dan Richardson (guitare), qui ensemble forment L’Objectif, savent déjà comment affoler le rock britannique. Le groupe du nord de l’Angleterre est né à Leeds quand ses membres étaient encore au collège. Vers 12 ans, Saul et Louis s’amusent à sécher les cours de théâtre pour aller répéter en douce là où l’on peut faire du bruit sans déranger personne. Le nom a été trouvé lors d’un moment d’ennui ultime en cours de français, et n’a pas bougé depuis. Erza et Dan finissent par intégrer le groupe juste avant les premiers confinements.
Le tournant intervient quand, sur Twitter, le groupe participe à un événement où un membre de l’industrie donne son avis sur des morceaux proposés par des artistes encore inconnus. L’objectif tente sa chance, et reçoit le retour de Will Street, co-fondateur du label Chess Club. L’homme aime ce qu’il entend et entre en contact avec Saul et sa bande pour en savoir plus. Quelques mois plus tard, l’EP « Have It Your Way » est mis en boîte. Il sort en 2021, l’année où le groupe commence à faire parler de lui en Angleterre.
L’objectif est un groupe ancré dans son temps. Sa musique ? Elle est à mi-chemin entre Fontaines D.C., TV Priest, King Krule et Gang of Four. Ses repères ? Le post-punk, le jazz et même la funk. Ses inspirations ? Les films et la peinture (Basquiat ou Francis Bacon). Par exemple le single Drive In Mind raconte l’histoire d’un cinéma qui diffuserait à l’écran ce que les gens pensent dans leurs têtes (c’est abstrait, comme les œuvres dont ils s’inspirent). C’est aussi un équilibre casse gueule que les jeunes Anglais parviennent à maintenir sans trop forcer.
D’ailleurs, au moment de la sortie de l’EP, une chanson en particulier attire l’attention d’un certain Iggy Pop. Il diffuse le morceau Have It Your Way dans son émission radio sur la BBC. Ça les aide à passer à l’étape suivante, surtout qu’en pleine pandémie mondiale, le secteur de la musique n’est pas au top de sa forme, et que les concerts se font rares. Ils ont quand même assuré les première parties de The Magic Gang et ont fait quelques concerts seuls comme des grands. Mais la validation de l’ancien Stooges est un sérieux coup de pouce.
S’il y a une sur-évaluation des groupes britanniques en France, L’objectif a les cartes en main pour se détacher de ses concurrents directs un peu mollassons (Do Nothing, Yard Act, Yowl, Feet, etc.), et parvenir à vraiment proposer une musique qui résonnera durablement dans les oreilles des fans de rock à la recherche de nouvelles sensations. Le nouveau single Same Thing, le premier extrait d’un nouvel EP prévu pour cette année, secoue efficacement le cocotier. La voix assurée de Saul est mise en avant (le gamin sait chanter, et comme avec Geese, ça fait la différence) et la rythmique « funky » mélangée à un aspect plus brut dans l’ambiance générale apporte du contraste. C’est ce mélange de textures passé à 60° à la machine à laver du post-punk qui résonne et donne envie de miser gros sur L’objectif.
Mais le groupe, qui cite les Pixies, Portishead, les Stone Roses, Tame Impala et The Last Shadow Puppets dans ses influences, a encore du chemin à parcourir pour devenir un vrai phénomène. Déjà, ils doivent finir le lycée et passer leur bac. Et puis accessoirement, ils devront aussi confirmer la petite hype naissante autour d’eux.