L’histoire derrière "Blue Monday", le tube de New Order qui fête ses 40 ans

Sorti sur le label Factory Records le 7 mars 1983, « Blue Monday » est le morceau qui marque le virage électronique de New Order. Un tube qui, 4 décennies plus tard, continue de fasciner.
  • On s’en souvient : en mai 1980, Ian Curtis se suicide. Sur les cendres encore tièdes, Bernard Sumner, Peter Hook et Stephen Morris décident de former un nouveau groupe. Et durant trois ans, ils sont considérés comme « les mecs qui étaient dans Joy Division ». Sauf que tout va changer en mars 1983, au moment de la sortie d’un maxi qui deviendra le plus vendu de l’histoire en Grande-Bretagne : Blue Monday.

    On rembobine un tout petit peu. En 1982, New Order cherche un moyen de terminer ses concerts d’une manière plus respectable. La formation se terre en studio avec des nouveaux joujoux électroniques — genre une boîte à rythmes Oberheim DMX ou encore un sampler Emulator 1 — et cherche à copier un son assez particulier, celui qu’a obtenu Giorgio Moroder sur le titre Our Love de Donna Summer. Mais quitte à s’approcher des sonorités du maître italien du disco, autant faire un melting pot de plusieurs genres, de plusieurs époques et de plusieurs folies. Les Mancuniens s’inspirent alors de la basse de Sylvester sur You Make Me Feel (Mighty Real) et de l’atmosphère de For a Few Dollars More d’Ennio Morricone. Ils piochent aussi dans un morceau entendu à l’Hacienda, Dirty Talk de Klein + M.B.O. Les gars veulent un tube qui pourrait passer dans les clubs de New York mais ils veulent aussi un hymne robotique.

    C’est à ce moment-là qu’ils samplent les voix de Kraftwerk issues du titre Uranium sorti sur l’album « Radio-Activity ». Grâce aux nouveautés électroniques, le groupe parvient à créer un morceau qu’ils pourront passer en rappel et laisser traîner sans avoir à jouer de leurs instruments. Enfin, sur le papier, car le groupe ne réussit pas à faire fonctionner les machines pour y arriver véritablement. Mais l'idée était là.

    Alors que le groupe est dans son studio de répétition, à Cheetham Hil, ils reçoivent la visite de Peter Saville, le directeur artistique du label Factory. Ce dernier bugge sur une disquette que le groupe utilise avec son nouveau sampler (le Emulator 1) et embarque l’objet avec lui. Sur le retour, direction Londres, Saville écoute le morceau et imagine alors la future pochette qui représente cette disquette. L’Anglais invente aussi un code couleur et des blocs pour parfaire son idée, et crée une pochette devenue avec le temps culte — même si le vinyle est très cher à produire au départ et met en péril, financièrement, le label déjà bien endetté par une gestion totalement chaotique. En gros, comme l’explique le Financial Times, le maxi coûtait 1,10 livre pièce mais était vendu 1 livre. Ils ont écoulé 50 000 copies via ce processus et perdu 50 000 livres avant de represser le disque en dégradant sa qualité.

    Bref, le maxi sort le 7 mars 1983, deux mois avant la sortie de l’album « Power Corruption and Lies ». Les gens sont fascinés et emportés par Blue Monday, qui sonne comme une révolution sonore. C’est la froideur de Manchester qui rencontre la joie de l’italo-disco et la frénésie des clubs de Détroit et New York. Et là, comme ça, New Order fait danser les fans de rock. 

    La suite pour Blue Monday ? Quincy Jones va remixer le titre pour le sortir sur son propre label Qwest Records — qui est aussi le label groupe aux USA — et le tube va traverser les générations. Aussi bien Pet Shop Boys, Kylie Minogue, Rihanna que les fous furieux de Happy Mondays, de Primal Scream ou de LCD Soundsystem vont s’en revendiquer, sans cacher leur admiration pour New Order. Soulwax — qui doit beaucoup à Factory Records — a sorti en 2022 un remix de 20 minutes totalement dingue de Blue Monday.

    « C'est un morceau tellement fondateur pour nous, il fait partie de notre ADN musical. Beaucoup de gens, je pense, nous connaissent peut-être pour avoir combiné l'énergie du rock (ou de la musique à guitare) avec la musique de danse et concernant "Blue Monday", c’est peut-être celle qui réussit le mieux ce mariage. Elle date de 1983 et elle sonne toujours comme si elle venait du futur », avait raconté le duo au moment de la sortie de ce remixes.

    Depuis, la chanson a été utilisée au cinéma, pour des séries, elle a fait l’objet de nombreux remixs, elle a bercé les oreilles de plusieurs générations et continuera de squatter les playlists des clubbeurs du monde entier. Pour ses 40 ans, le groupe a annoncé une réédition du maxi ainsi qu’une nouvelle collection de fringues — t-shirts, pulls, posters, pins, etc. La preuve que Blue Monday est toujours d’actualité. Et reste encore une machine à dollars pour New Order.

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