Il y a 10 ans, les Strokes publiaient leur pire album selon les fans : "Comedown Machine"

Boudé depuis sa sortie le 25 mars 2013, « Comedown Machine », le cinquième album studio des Américains, n’est pourtant pas à jeter à la poubelle, loin de là. Et voici pourquoi.
  • Si l'on vous demande de lister les meilleurs albums des Strokes, là comme ça, « Comedown Machine » ne serait sûrement pas le premier nom qui viendrait à l’esprit. Et pour cause : ce disque sorti en mars 2013 a rapidement été catalogué comme le moins bon de la carrière des groupe. Celui qui marque le début de la fin pour Julian Casablancas et sa bande, et qui signe donc leur arrêt de mort à petit feu. En 2013, Les Inrocks écrivait :

    « Comedown Machine se pose en messager d’une bien triste nouvelle : les Strokes en tant qu’entité sont en phase terminale, et celle-ci sera aussi longue et pénible pour eux que pour leurs loyaux admirateurs. » 

    Difficile, il y a 10 ans, de ne pas être d’accord avec ces mots. Le disque est arrivé par surprise, et les Américains ont décidé de ne pas promouvoir l’album ni de partir en tournée pour tenter péniblement de le défendre. La plupart des observateurs du dimanche y ont vu un signe : il y a de la bière tiède dans le gaz, et la bande de potes n’est plus soudée. Spoiler : elle ne l’a jamais, à part de 1997 à 2002. Mais depuis toujours (ou presque), la formation américaine est menée par Julian Casablancas qui impose ses choix aux autres membres. Les Strokes, c’est « démocratie sous une dictature », comme l’a résumé l’écrivain américain Jay McInerney. Et avant « First Impressions of Earth », le leader n’acceptait pas qu’on vienne mettre son nez dans ses chansons. La période « Angles » (2011) et « Comedown Machine » a aussi été marquée par des désaccords : « Il y avait des conflits et il y avait de la peur, mais nous nous en sommes sortis et nous avons fait des disques. Mais ce n'était pas, vous savez, par pur amour fraternel, ni pour la musique », a confié Julian au Guardian en 2020.

    Le disque marque la fin de leur contrat avec RCA. Les Strokes devaient cinq albums au label et les deux derniers ont été réalisés afin d’arriver au bout de cette échéance le plus rapidement possible pour retrouver une forme de liberté, chacun de leur côté. La pochette montre aussi que la passion n’a pas habité les rockeurs américains durant l’enregistrement de l’album. Mais quittons les coulisses pour revenir à la musique.

    En 2013, « Comedown Machine » est plutôt considéré comme le successeur de « Phrazes For The Young » — l’album solo de Julian Casablancas — que comme un nouvel album des Strokes. Les raisons ? Les morceaux sont trop « expérimentaux » pour se rapprocher de l’efficacité chirurgicale des Américains et il y a trop de chansons où Julian chante en falsetto. C’est donc la douche froide pour les fans, qui observent de loin la déchéance de ce qui était le groupe le « plus cool » de la terre. Mais quand on relance l’album dix ans plus tard, la température de l’eau est-elle toujours aussi glaciale ? Surprise : elle s’est réchauffée. Tap Out, qui ressemble à du Phoenix copiant les Strokes, fait son petit effet en ouvrant l’album sur des bonnes bases.Ce n’est pas Is This It, okay. Mais ça fait largement le taff. All The Time est peut-être la chanson la plus « Strokes » de l’album, celle qui aurait pu figurer sur le premier album entre Trying Your Luck et Take It or Leave It — avec 50/50 aussi, pour le côté « punk ». Les Strokes qui jouent les Strokes, on connaît. Mais quand le groupe part en vadrouille, ça laisse quelques beaux moments aussi. One Way Trigger, surprenant au début, ne fait plus grincer des dents en 2023. Et Chances est un titre hyperpop trop audacieux mais réconfortant, comme un nuage de lait sur un café. Tous ces morceaux sont loin de faire passer le groupe pour des guignols.

    En revanche, 80’s Comedown Machine, Slow Animals, Partners in Crime et Call It Fate, Call It Karma sont indéfendables, et absolument mauvais en tout point. S’ils passaient le bac, les Strokes auraient donc la mention « assez bien ». Ils auraient pu mieux faire, mais les conditions n’étaient pas réunies pour. De toute manière, le groupe était passé en mode survie : l’idée n’était pas de pondre un classique mais d’avancer, coûte que coûte, pour faire en sorte que la formation reste en vie. Il fallait du changement, de la nouveauté et de la fraîcheur. Il y a eu des essais, des sorties de route et des arrêts au stand mal négociés. Mais la transition n’aura été qu’à moitié réussie. Ou à moitié ratée, question de point de vue.

    Après « Comedown Machine », les gars prendront leur distance avec le groupe, histoire de couper les ponts, de souffler un peu, de s’oublier aussi. Pour mieux revenir ? Oui. Car en 2019, les Américains ont retrouvé le chemin des studios avec Rick Rubin pour mettre en boîte « The New Abnormal », un disque qui symbolise la résurrection des Strokes — même s’il y a eu un nouvel EP en 2016 qu’on a tous déjà oublié. En 2013, on les annonçait cramés, finis et sur les rotules, prêt à brandir le drapeau blanc de la défaite. Dix ans après, le fait est que le groupe est toujours en vie. Et que « Comedown Machine » est loin d’être aussi atroce que dans nos souvenirs. 

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