2023 M05 17
À la première écoute, ce n’est pas forcément l’aspect musical qui frappe aux oreilles sur « L'Homme à tête de chou ». C’est cette voix, ce talk-over (le fameux parlé-chanté en français) et cette histoire : celle narrant les péripéties d’une lolita shampouineuse (Marilou) et d’un journaliste de presse people - Marilou aime bien ses copains rockeurs et trompe le journaliste qui finira par la tuer avec un extincteur en la recouvrant de neige carbonique avant de partir dans un asile. Ce disque, qui sort en 1976, élève Gainsbourg, en fait un artiste à part, capable des meilleures fulgurances littéraires, mais surtout d'évoluer à contre-courant des modes et des esthétiques tendances de l’époque - auxquelles il avait succombé sur « Rock Around The Bunker » l’année précédente.
Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est d'apprendre que l’album a été remixé après « la redécouverte des bandes multipistes enregistrées à Londres au cœur de l’été 1976 ». Celles-ci, à en croire le communiqué de presse, montrent que « derrière le talk-over virtuose de Gainsbourg se dissimulait un extraordinaire édifice musical ». Le nouveau mix de 2023 propose donc un « rééquilibrage des parties vocales et instrumentales ».
Sur ce disque, les arrangements sont une fois de plus confiés à Alan Hawkshaw et à son équipe, qui accompagne le Français depuis « Vu de l’Extérieur » (1973). Dans cette troupe, on retrouve également un certain Alan Parker, figure anglaise de la musique. Et c’est justement pour mettre leur travail en valeur, comme sur Variations Sur Marilou, Premiers Symptômes ou Chez Max coiffeur pour hommes, que cette réédition s'apprête à voir le jour le 23 juin prochain.
Pour ce quatrième album concept, écrit en partie à Milan, en Italie, dans un hôtel miteux, alors que Jane Birkin était sur un tournage, Gainsbourg met beaucoup de lui. À travers le personnage du journaliste, cet homme qui se fait mener en bateau par une femme plus jeune et qui termine fauché, il y a certainement un peu de Serge, 48 ans, qui prend conscience que ses plus belles années sont peut-être derrière lui. Sa lente mutation de Gainsbourg à Gainsbarre commence ici, avec « L'Homme à tête de chou » : un disque qui a mal vieilli (thématique, textes misogynes, etc.), mais qui, musicalement, continue de donner quelques belles leçons d'instrumentation.