Faut-il dire adieu à Gwen Stefani ?

Avec son dernier single, « Let Me Reintroduce Myself », l'Américaine prouve que la réinvention de soi est un art difficile. Vingt-quatre ans (!) après le tube "Don't speak", on est comme pris par le doute.
  • Les plus fidèles au mode de fonctionnement de l'industrie musicale connaissent par cœur l'histoire de ces artistes qui, bien conscients de n'avoir plus rien à dire depuis belle lurette et d'être clairement en décalage avec les évolutions musicales, prétendent s'être réinventés. Gwen Stefani n'y échappe pas. Quatre ans après un troisième album en demi-teinte (on vous épargne l'horrible album de Noël publié en 2017), l'Américaine se présente avec un nouveau single au titre symbolique : Let Me Reintroduce Myself. Un peu comme si l'ex-No Doubt, malgré une présence récurrente dans The Voice, se savait complétement larguée, presque obligée de faire ses preuves auprès d'une nouvelle génération qui ignore probablement ce qu'elle a pu accomplir par le passé.

    Sur le papier, la stratégie est réussie : Gwen Stefani renoue ici avec les influences ska, reggae et pop déjà perceptibles sur les albums de No Doubt ou certains de ses albums solo. Le problème est que l’ex-rivale de Courtney Love (le temps d'une querelle qui finira par inspirer son plus grand tube, Hollaback Girl, produit par Pharrell) est tellement occupée à se présenter à nouveau qu’elle semble avoir oublié l’essentiel : l'originalité du propos, une certaine audace dans l'exécution et, surtout, une dose de bon goût. Let Me Reintroduce Myself copie ouvertement les tendances actuelles (les rythmes "latinos", toussa), probablement dans l’idée de renouer avec sa gloire perdue.

    Ce nouveau single manque tellement de flamboyance que son label lui-même s'est senti obligé de résumer la carrière de Gwen Stefani en quelques chiffres. Soit 50 millions d'albums vendus, 6 milliards de streams, 3 Grammy Awards, 5 morceaux classés dans le Top 10 du Billboard et 500 000 albums écoulés en France. Malheureusement, cela ne fait qu’appuyer le grand écart qui semble s'être créé entre sa période faste (de la fin du 20ème siècle au mitan de la décennie suivante, période au cours de laquelle elle s'était déjà réinventée) et la situation actuelle, celle d’une artiste qui incarnait le cool il y a une petite dizaine d’années et qui, aujourd’hui, ressemble à cette tante ringarde dont on prend des nouvelles de temps à autres mais que l’on préfère en règle générale mettre à bonne distance pour ne plus avoir à subir ses sorties ratées.