Il y a 20 ans, Britney Spears devenait grande avec "Oops!... I Did It Again"

« Oops!... I Did It Again » est resté pendant 15 ans l'album le plus vendu en première semaine, avec 1,3 millions d'exemplaires écoulés. Aujourd'hui détrôné, il demeure ce disque générationnel à travers lequel Britney Spears annonçait la fin de l’innocence.

À l'aube du nouveau millénaire, la teen-pop fait sa mue. Voilà déjà plusieurs mois qu'Aaliyah, TLC ou les Destiny's Child sont obsédées par le futur et le monde numérique. Leurs albums sont remplis de purs morceaux de R&B, mais s’entendent avant tout comme un tourbillon d’innovations digitalisées où s’entrechoquent mille influences et idées singulières. Longtemps étiquetée « adolecente », la musique de Britney Spears se détache elle aussi de la supposée naïveté des débuts.

Avec « Oops!… I Did It Again », l’Américaine opte pour une production plus riche, plus hybride par instant et probablement plus personnelle : « Spears » semble à présent superflu, le grand public comme les médias la nomment désormais « Britney ». C'est plus concis, plus intime et ça confirme que le monde entier sait dorénavant à quelle icône on fait référence lorsqu’on mentionne ce prénom.

Le pari était pourtant risqué : à peine un an auparavant, Britney avait écoulé plus de 18 millions d'exemplaires de son premier album, assistant par la même occasion à l’émergence d'une dizaine de concurrentes : des mauvaises copies façonnées de toutes pièces par les labels - pensons également à ce million de poupées à son effigie qui venaient d'être vendues. « J'étais incapable de gérer mon anxiété, disait-elle à Rolling Stone. Je sentais que je devais prendre du temps pour moi ou je finirais par devenir folle. »

Britney s'exile alors en Suède, retrouver dans un sous-sol du centre de Stockholm ses producteurs fétiches : Rami Yacoub et Max Martin. En 13 jours, dans des conditions relativement festives mais coupées du monde extérieur, les Scandinaves enregistrent la majeure partie de « Oops!... I Did It Again ». Ils ont imaginé une nouvelle facette de Brtitney : ce n'est pas foncièrement révolutionnaire, certains titres paraissent même inoffensifs en comparaison à ce qui se crée au même moment dans le monde de la pop (We Need A Resolution d'Aaliyah, « Kid A » de Radiohead, etc.), mais force est de constater que l'Américaine incarne avec éclat chacune de leurs propositions.

À l'image de Lucky où elle se mue en une star de cinéma qui pleure chaque nuit, affligée par le côté factice de son existence, ou ce dialogue presque cryptique faisant référence à Titanic dans la chanson-titre. Fun fact : Leonardo Di Caprio était censé apparaître dans le clip.

Pendant la promotion, Britney résume son deuxième album à trois adjectifs : « énervé », « éclectique » et « mature ». Elle n'a coécrit qu’un seul morceau, Dear Diary, on y retrouve même une reprise des Stones (I Can’t Get Not) Satisfaction), mais personne ne doute que « Oops!… I Did It Again » soit le reflet d’un monde bien à elle, dont elle s’amuse à narrer les possibles évolutions. Après l'avoir déclaré avec force sur …Baby One More Time, elle prétend ici : « Ma solitude ne me tue plus. » Dans une interview au Guardian, Max Martin ne faisait pas que considérer Britney comme une artiste de génie. Il disait aussi : « Il lui est arrivé tant de choses au cours de ces premières années, elle a dû grandir rapidement. Nous avons eu des conversations avec elle sur ce qu'elle voulait faire et ce qu'elle voulait dire. »

Sur « Oops! …I Did It Again », on sent parfois l’influence d’une nouvelle scène dite urbaine (Timbaland sur Don’t Go Knockin’ On My Door), le producteur des Destiny’s Child (Rodney Jerkins) est même présent aux arrangements de certains morceaux. Mais si ce deuxième album a marqué les esprits, c’est probablement parce qu’il annonce une transformation. Celle de l’industrie du disque, qui s’apprête à accueillir le MP3, les sites de téléchargement et la crise – en 2002, les dix albums les plus vendus réalisent un total de 33,5 millions d’exemplaires, à peine la moitié de l’équivalent en 2000. Et celle, plus personnelle, de Britney : « Je ne suis pas si innocente », chante-t-elle.

La suite de sa carrière le prouvera : il y a ces singles indéboulonnables (I’m A Slave 4 U, Toxic ou Gimme More) et ces rendez-vous pris avec les scandales et les paroles de Touch Of My Hands, sorte d’ode à la masturbation : « Je me suis révélée à moi-même / Je me suis découverte de la façon la plus intime. » Comme pour rappeler que, oui, définitivement, elle a toujours été bien plus que la Girl next door de l'Amérique.