Il y a pile 30 ans, Radiohead sortait un immense premier album : "Pablo Honey"

Le 22 février 1993, des gamins d’Oxford en Angleterre publient leur premier album. Et partent à la conquête du monde portés par un énorme tube, « Creep ».
  • Dans le rock, il n’y a pas vraiment de règles. Le premier album peut passer inaperçu comme devenir un classique en l’espace d’une semaine. Pour Radiohead, l’album « Pablo Honey », sorti le 22 février 1993, n’est pas le meilleur album du groupe. Et Creep n’est pas devenu un tube en trois jours. Eux-mêmes le disaient en interview, à peine quelques semaines après sa sortie : « le deuxième album sera mieux ». Pour Ed O’Brien (guitariste), ce premier disque est une compilation de leurs « meilleurs tubes en tant que groupe sans label » puisque la majorité des chansons ont été écrites quand la formation déprimante s’appelait On a Friday et qu’ils étaient encore des jeunes étudiants fans des Pixies et de Joy Division. Par exemple les morceaux Stop Whispering, I Can’t ou encore Thinking About You — qui d’ailleurs parle de masturbation — sont nés en 1991, et avaient été enregistrés pour une première cassette sortie la même année. 

    Grâce à ces premières démos, Radiohead signe un contrat avec EMI et balance un premier EP très moyen intitulé « Drill » en 1992. En fin d’année, la bande se retrouve pour tenter de mettre en boîte un premier album. Les garçons n’ont aucune expérience en studio, ils sonnent comme des mecs qui ne savent pas s’ils préfèrent The Smiths, Sonic Youth, Dinosaur Jr, les Who ou Ride. Et la plupart des chansons qu’ils ont composé donnent envie de se jeter par la fenêtre.

    L’enregistrement de l’album s’est réalisé sans encombres. S’il y a quelques beaux moments sur « Pablo Honey » — Anyone Can Play Guitar, Stop Whispering, I Can’t —, l’album manque de jus et peine à garder l’auditeur éveillé sur la durée. Si après Ripcord et Vegetable, vous êtes en train de piquer du nez, c’est normal. Si vous avez envie de brûler l’album dans la cheminée, c’est là aussi tout à fait normal. À la fin des sessions, Sean Slade et Paul Q. Kolderie, les deux producteurs venus des États-Unis pour bosser en Angleterre, étaient convaincus que Radiohead pouvait devenir un grand groupe.... mais qu’il ne le deviendront pas avec « Pablo Honey ».

    « Quand on a terminé l'album, je pensais qu'ils pourraient être un très bon groupe, mais ils étaient si jeunes qu'ils n'étaient pas encore physiquement à la hauteur. Et je me suis dit : ‘‘si ces gars tournent pendant un moment, et obtiennent de l’endurance, ils pourront devenir un groupe totalement différent’’ », a raconté à MTV Sean Slade.

    Sur ce disque, par chance, il y a Creep. Un tube qui va tout changer pour Radiohead. Car grâce à ce morceau, et même s’ils se prendront un procès pour plagiat par le groupe The Hollies, les portes vont par la suite s’ouvrir. Celles des États-Unis, de MTV, du succès mondial, des gros chèques et de la liberté financière et créative pour créer « The Bends », le premier (vrai) album de Radiohead. Creep, inspiré par Scott Walker, a été repris par un nombre incalculable de groupes, allant de Korn à Pearl Jam en passant par les Pretenders, Prince et plus récemment Arlo Parks.

    Et même si 30 ans après, lire les mots « But I'm a creep, I’m a weirdo » peut provoquer des sueurs, des spasmes et des sensations de vertige, en 1993 et durant les années suivantes, on était au summum du cool. Le titre est resté plus de six mois dans les charts et le groupe a refusé, pendant sept ans, de le jouer sur scène. Parce que Radiohead ressemble au final plus à Nirvana qu’à Oasis, et que l’ambition du groupe n’était pas forcément de devenir des porte-drapeaux de leur génération. D’ailleurs, dès le départ, les Anglais ne veulent pas être associés à un mouvement, et surtout pas à la Britpop qui est sur le point d’exploser. Comme l’a dit le groupe, ils n’ont rien à voir avec tout ça puisqu’ils « n’aiment pas tant que ça prendre de la cocaïne ». 

    En 1993, face à « In Utero » de Nirvana, « Ride of Me » de PJ Harvey, « Siamese Dream » des Smashing Pumpkins ou même le premier album de Suede, « Pablo Honey » n’est pas forcément l’album qu’on retient dans les tops de fin d’année. Mais le groupe a assez de potentiel et de jugeote pour comprendre qu’ils ont, avec Creep, un ticket VIP pour tourner à travers le monde et faire leurs preuves. Ed O'Brien : « Après toutes les tournées sur ‘‘Pablo Honey’’, les chansons que Thom écrivait étaient tellement meilleures. Sur une période d'un an et demi, tout à coup, bang ». Le bang signifie que Radiohead était simplement en train de réellement devenir le Radiohead que l’on connaît aujourd’hui. Il fallait juste qu’ils passent par l’étape « Pablo Honey » avant. 

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