"OK Computer" de Radiohead a 25 ans : histoire d'un disque qui a changé le rock

Le 21 mai 1997, le Royaume-Uni accueillait le troisième album de Radiohead, véritable réquisitoire contre la facilité et qui, comme Pink Floyd avant le groupe de Yorke et Greenwood, allait changer la face sombre de la Terre.
  • Exception faite de Creep, Karma Police et No Surprises sont ces chansons que l’on soumet le plus volontiers aux oreilles étrangères afin d’obtenir en retour on ne sait quel respect, voire admiration, pour la musique faite ici. Ce sont deux tubes, immédiatement accrocheurs, clairement pop, pensés autant dans l’idée de rassurer l’auditeur que de le tromper. Sur « OK Computer », il s'agit en effet de fuir les balisages trop voyants, d'envisager le rock comme une forme mouvante et de ne surtout pas s'interdire l'ambition, la prise de risques, le pas de côté.

    Pour preuve, c'est avec Paranoid Android que Radiohead choisit d'annoncer la sortie de ce troisième album. Soit six minutes et vingt-sept secondes de folie pure, en équilibre faussement instable entre envolées lyriques et débauches de guitares, entre ambiances cinétamographiques et ruptures mélodiques.

    C'est bien simple : avec « OK Computer », il s'agit pour Radiohead d'anticiper l'avenir et de poser plusieurs réflexions. Du genre : comment se défier des mécanismes de domination qui nous maintiennent dans notre état ? Comment savoir jusqu'où peuvent aller les nouvelles technologies ? Comment être certain que les machines n'ont pas une âme et que l'être humain n'est pas voué à devenir robot ? Toutes ces questions forment le point de départ de ce troisième album, pourtant pensé en retrait du monde moderne. Dans la campagne du Yorkshire, puis à la St Catherine's Court, près de Bath, où The Cure et New Order ont respectivement enregistré « Wild Mood Swings » et « Waiting For The Sirens’ Call ».

    Aux côtés de Nigel Godrich, engagé pour la seconde fois à la production, Thom Yorke et ses comparses parviennent alors à formuler un disque bourré de références (Miles Davis, Bob Dylan, DJ Shadow, l’écrivain Douglas Adams), qui n’a d’autre but que de mener l’auditeur par le bout du nez, triturant les normes et les tympans tout en annonçant officiellement la mort de deux genres musicaux symboliques des années 1990 : le grunge et la britpop.

    Car, derrière ses attraits séducteurs (mentionnons également Lucky, considéré par Brian Eno comme l’une des plus belles chansons qu’il n’ait jamais écouté), « OK Computer » est bel et bien un disque déroutant, accidenté (est-ce un hasard si le premier morceau se nomme Airbag ?) et foisonnant de trouvailles. Toutes rendues possibles grâce à la confiance d'un label qui n'impose alors aucune deadline, et semble même prêt à toutes les folies sur le plan financier (ce qui explique ce budget de 100 000 livres alloué à la production).

    « La plus grosse pression était de finaliser les enregistrements, a fini par expliquer le guitariste Ed O'Brien au magazine Select. Nous n'avions aucun délai imposé et donc tout notre temps pour faire ce que nous voulions. Nous retardions donc la chose, car nous étions un peu inquiets de mettre un terme à tout ça ». Si Radiohead a tant de mal à finaliser « OK Computer », c’est peut-être aussi parce qu’il se sait en avance sur son temps. À l’époque, peu paraissent en effet capables de formuler une telle idée du rock, déconstruite, le temps de douze morceaux stupéfiants de contrastes, aussi décomplexés dans les mélodies que complexes dans le propos.

    25 ans après sa sortie, force est pourtant de constater que l’album demeure un album majeur, influence avérée sur la musique moderne et incroyable succès commercial. C'est un point de repère, une merveille, un album qui rappelle que l’ambition et l'expérimentation ne sont pas, en musique, de vains exercices de style.

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