2022 M10 17
« Sur TikTok, on n’a pas le droit à la lenteur ou au silence. » Cette phrase, prononcée par le compositeur français Julien Marchal lors d’une interview pour Le Monde, résume peut-être à elle seule la nouvelle grosse tendance sur l’application chinoise : celle des chansons accélérées, aussi appelées « sped up ». Née dans les cendres encore chaudes du « nightcore » — une pratique qui consiste aussi à accélérer une chanson et qui existe déjà depuis de nombreuses années, cette mode cartonne sur TikTok où le mot-dièse #spedup compte presque 10 milliards de vues sur l’application. Autre exemple : une version accélérée du morceau Vegas (I Wanna Ride) de Joseline Hernandez a été utilisée dans 800 000 vidéos.
Si vous ne connaissez pas TikTok et que vous ne comprenez pas pourquoi cette tendance existe, et pourquoi elle bat des records sur ce réseau social, voici une réponse : l’application est basée sur la courte durée d’attention et la vitesse. En choisissant le meilleur passage d’une chanson, et en l’accélérant, on augmente ses chances de capter l’attention de l’utilisateur. On accélère donc ses chances d’avoir une vidéo populaire et potentiellement virale, d’où la popularité des « sped up songs ». C’est la raison la plus évidente. Car musicalement, ces remixes n’apportent pas grande chose (les voix deviennent très aiguës et le BPM tourne autour de 150).
Pourtant, et ce n’est finalement pas une surprise dans une industrie qui cherche à se renouveler toutes les deux semaines, le phénomène est pris au sérieux. Déjà parce que chaque tendance TikTok peut, sur une courte durée, servir de tremplin. Mais aussi parce qu’elles peuvent aider à (re)développer la popularité d’un artiste.
C’est là encore une hypothèse qui explique la sortie d’une version « sped up » officielle du Cool for the Summer de Demi Lovato en 2022 alors que le morceau date de 2015. Ou celle du Everybody Wants To Rule The World de Tears For Fears. Ou la création d’une playlist dédiée à ses remixes sur Spotify, qui compte plus de 500 000 abonnés. Ou la sortie cette année de l’album « Sped Up » par le DJ Alan Walker, qui reprend d'anciens titres à fond les manettes.
Mais si quelques artistes surfent cet engouement, la tendance reste inhérente à internet, et donc aux internautes. Comme avec le « nightcore », les versions « sped up » sont très souvent l’œuvre de fans qui mettent eux-mêmes en ligne ces remixes. Par exemple les comptes Suzip (PLK, Angèle, SCH, Lomepal, etc.), Skayfalls ou encore Let You Down publient des versions « TikTok » de manière amateur. Car « le plus souvent, les chansons accélérées sont publiées à la demande d’autres internautes et le but est rarement de se faire de l’argent : sur TikTok ou YouTube, il est impossible de monétiser un contenu (c’est-à-dire recevoir des revenus publicitaires) qui est soumis au droit d’auteur. Les auteurs et autrices de sped up espèrent surtout que leurs créations deviendront virales, et qu’elles feront plaisir aux autres », écrit Le Monde.
Cette mode, c’est avant tout pour les fans et par les fans. Et même si on peut l’analyser de manière plus sociologique — le reflet de nos rythmes de vie toujours plus effrénés et d’un manque d’attention à cause des réseaux sociaux — il faut aussi y voir une énième tendance qui, comme les autres avant elle, ne restera pas populaire encore très longtemps.