Avec "Cavalcade", black midi va-t-il sauver le rock anglais ?

Disque rock anglais de ce printemps, aux côtés de ceux de Dry Cleaning et Squid, « Cavalcade » de black midi est un joyeux bordel mêlant jazz et rock progressif. Un disque où tout semble aller à l’envers peut-il remettre le rock dans le droit le chemin ?
  • La rengaine du rock qui se meurt à petit feu, on la connaît. Et au final, peu importe de savoir si le phénomène est réel ou issu de nos imaginations et fantasmes. Car quoi qu’il en soit, le rock dans son ensemble continue de vivre, d’évoluer et de faire suer du front. Pas quand on écoute Coldplay ou le retour de Wavves, mais quand on pose son oreille au bon endroit. Et quand les sonorités distordues nous emmènent à Selhurst, un district de Londres où vivent black midi, alors rassurez-vous : tout va bien se passer. 

    black midi (sans majuscules) est arrivé par surprise en 2018. Et presque aussi rapidement qu’il a débarqué, les comparaisons ont fusé : Fugazi, Can, Public Image Ltd, King Crimson, etc. Sur scène, un batteur faramineux donne le ton. Le chanteur-guitariste utilise son téléphone pour jouer de son instrument, fait fonctionner sa pédale de wah-wah à l’envers, pousse des cris. Bref, ça ne ressemble pas aux schémas classiques du rock. Et ça fait un bien fou. Ceux qui ont fait leurs gammes au club Windmill, comme Black Country, New Road, Fontaines D.C ou Shame par exemple, et qui se lient d’amitié avec Dan Carey de l’excellent label Speedy Wunderground, sont prêts à lâcher un premier disque. Il s’intitule « Schlagenheim », sort en juin 2019 et la presse est dithyrambique. L’album est comparé à « Trout Mask Replica » de Captain Beefheart. 

    Le 26 mai dernier, black midi était de retour avec un deuxième album baptisé « Cavalcade ». Le tube John L est le premier extrait issu du disque. Énervé et sec comme un coup de trique, le morceau donne le tournis, avance et recule à la fois, fait des va-et-vient infernaux et vraiment, qu’est-ce que c’est bon. Là, on se dit que black midi est de retour pour nous faire le grand 8, la totale. Mais en fait, pas vraiment. John L est suivi par la chanson (la ballade) Marlene Dietrich, aux antipodes du premier single. Une respiration ? Une trahison ? Un coup de mou ? Un nouveau son ? Prenez-le comme vous voulez, mais black midi est un groupe qui fera ce qu’il veut. Ça repart doucement avec Chondromalacia Patella puis le morceau s’intensifie pour cavaler dans un champ sur un cheval au galop. black midi brouille les pistes, alterne entre le chaud (le bruit) et le froid (le bruit mais moins bruyant), entre le free jazz et le rock progressif. 

    Au milieu de l’album, black midi monte dans une fusée, décolle et quitte la terre direction la stratosphère avec Diamond Stuff. Une douceur suspendue, en lévitation, à plusieurs milliards de kilomètres de l’urgence de « Schlagenheim », qui propulse aussi le groupe dans une nouvelle dimension artistique. Le voyage est limpide, clair, sans turbulence et réconfortant. Avec Slow ou Marlene Dietrich, black midi dévoile sa délicatesse cachée depuis des années derrières des tonnes de bruits, d’effets et de feedback. Et c’est beau. La suite oscille entre des riffs surexcités (Hogwash And Balderdash) et la plénitude (Ascending Forth). Au final, « Cavalcade », moins foutraque de son prédécesseur, rend black midi touchant, aimable, poli, voire mignon à certains moments. Même si les Anglais sont toujours prêts à mettre un coup de canif là où l’on s’y attend le moins. 

    L'album « Cavalcade » s'écoute juste ici.