Retour sur "Be Here Now", le plus cocaïné des disques d'Oasis

Dix-huit mois après l’immense « What’s The Story (Morning Glory) », Oasis revenait en août 1997 avec « Be Here Now ». Un disque qui allait marquer le début de la fin de l’Oasismania, de la Britpop et de la « cool Britannia ». Vingt-cinq ans plus tard, et alors qu'une réédition est annoncée pour le mois d'aout, on remet le nez dedans.
  • Comment attaquer un article sur « Be Here Now », 25 ans après sa sortie ? Comme souvent avec les frères Gallagher, par les Beatles. Le titre de l’album est tiré d’une phrase de George Harrison, quand on lui a demandé quel était le message clé des années soixante. « Soyez-là maintenant » aurait alors répondu l’Anglais. Be here now, en version originale.

    Trente ans plus tard, le « summer of love » a de nouveau lieu. Mais en Angleterre cette fois-ci. Le phénomène s’appelle la « cool Britannia » et fait référence au fait que la culture anglo-saxonne cartonne à l’international. Beckham, Trainspotting, Blur, Oasis, Tony Blair, les Spice Girls, l’équipe de foot qui se débrouille pas trop mal : le Royaume-Uni est le berceau d’une pop culture qui s’exporte massivement, d’un vent nouveau et d’une certaine idée du cool. C’est pile à ce moment-là qu’Oasis sort « Be Here Now », le 21 août 1997. Plus de 700 000 copies de l’album se vendent dès la première semaine (424 000 copies la première journée, quand même). Et même si les guitares sont trop saturées, les morceaux trop longs et le disque trop grandiloquent, Oasis reste le groupe le plus cool du monde. Noel est persuadé que les tabloïds écoutent ses conversations téléphoniques, les paparazzis campent devant sa grande maison à Camden. Les frères Gallagher sont passés dans une autre sphère médiatique, dans un autre univers. En même temps, ils ont aussi le monde à leurs pieds : en l’espace de trois ans, le groupe a défoncé toutes les portes. « Definitely Maybe » a accéléré leur succès. « What’s The Story (Morning Glory) » a fait du groupe le porte-parole de sa génération avec des tubes. Et les deux concerts à Knebworth en août 1996 (250 000 personnes au total) ont été l’apogée d’Oasis, comme si rien ne pouvait se mettre en travers de leur chemin. Sauf que c’est pile à ce moment-là que les choses ont commencé à se gâter…

    Après Knebworth, Oasis doit assurer une tournée aux États-Unis. Pour des raisons obscures, Liam ne se pointe pas à l’aéroport et manque le premier concert de la tournée à Chicago ainsi qu’une émission MTV Unplugged. Le chanteur finit par montrer le bout de son nez au deuxième concert. Mais après, c’est finalement Noel, agacé par l’attitude de son petit frère, qui prend ses cliques et ses claques. Sans lui, la tournée est annulée. L’ambiance entre les deux frères est tendue. À son retour, Noel explique au label Creation qu’ils devraient enregistrer le troisième album au plus vite avant un possible split. Noel se tire deux semaines en vacances avec le producteur Owen Morris et écrit la grande majorité de l’album, lui qui n’avait rien noirci depuis plusieurs mois. 

    Oasis file à Abbey Road pour l’enregistrement. Il y a beaucoup de cocaïne. Beaucoup trop. Ça s’entend dans le son des guitares, aigu et saturé. Mais au sein du navire Oasis, tout le monde tape, mais personne ne prend vraiment les commandes. Quand l’album sort dans les bacs, les critiques sont bonnes. Certains iront jusqu’à affirmer que « Be Here Now » est aussi bon que les deux premiers albums — même si de nombreux fans rendent leur copie chez les disquaires quelques jours après l’achat. Ce disque, il sent la drogue dure et les excès en tout genre. Il ne se refuse rien. Sept minutes pour Magic Pie ? Allez-y. Neuf minutes pour All Around The World ? Let’s go. Bien évidemment. Avec « Be Here Now », le groupe pose ses cojones sur la table, ouvre un magnum de champagne et crie : « on fait ce qu’on veut, comme on veut, et c’est comme ça ». Noel Gallagher l’a formé autrement.  Cet album, c’est le résultat de « cinq mecs en studio sous coke qui n'en ont rien à foutre ». Ce n’est pas aussi ça, le rock ?

    L’album dans la globalité tente de synthétiser un propos : ça fait quoi d’être Oasis ? Ça fait quoi d’être les Rock’n’Roll Stars qu’on a toujours rêvé d’être ? En gros : ça fait quoi d’avoir un melon énorme, un mal-être lié à la célébrité, trop de drogues et un chèque en blanc pour enregistrer un disque à Abbey Road ? « Be Here Now ». Un album à la fois expérimental et musclé mais aussi abrutissant par une sensation de trop. Trop de larsen, trop de répétitions et trop de guitares. Pour éviter l’overdose, ce disque est à écouter une à deux fois par an — en fonction de l’ordonnance de votre médecin — en mettant le volume au maximum. Puis à ranger pour l’année prochaine. C’est quand même dommage quand on voit la liste des face B pour cet album. Les morceaux comme Flashbax, The Fame, Stay Young, Going Nowhere et même la cover du Heroes de Bowie, aurait permis à l’album d’avoir un autre destin. 

    Que dire d’autres sur ce disque, à part que la majorité des gens ne l’aiment pas ? Johnny Depp est crédité à la guitare sur Fade In-Out. La pochette a coûté 90 000 euros à réaliser. Les références aux Beatles se comptent par dizaines. Les meilleurs titres sont The Girl in The Dirty Shirt (écrite pour son ex-femme Meg), la seule ballade de l’album Don’t Go Away et It’s Getting Better (Man!!). Et dix jours plus tard, la princesse Diana meurt à Paris, mettant un arrêt à cette vague « cool » sur laquelle les Britanniques surfent depuis quelques années. Après « Be Here Now », la Britpop s’éteint doucement, le groupe prend le temps de se poser — avant de revenir avec l’horrible « Standing on the Shoulder of Giants » en l’an 2000 — et le Royaume-Uni entre dans ce nouveau millénaire avec une énorme gueule de bois.

    L’album est réédité pour ses 25 ans. Plus d’infos par ici.