2022 M02 17
« Je connais et respecte deux personnes à Hollywood. La première, c’est Quincy Jones. La deuxième ? Giorgio Moroder ». En 2017, alors invité à Los Angeles, Bappi Lahiri avait lâché cette petite phrase qui, mine de rien, en dit long sur le personnage aux centaines de films et milliers de chansons et dont la carrière s’étend sur cinq décennies.
Connu pour avoir été le premier à importer le disco à Bollywood (terme utilisé pour désigner l'industrie du cinéma indien) à la fin des années 70, Bappi a marqué l’histoire de la musique dans son pays, à travers les films mais aussi dans son attitude et son style, à mi-chemin entre Elvis Presley, un mafioso et les rappeurs américains des années 90. Énormes chaînes en or, lunette de soleil style aviator, une coupe de cheveux incroyable et un talent évident pour les tubes : Bappi Lahiri était un personnage haut en couleurs.
Qui peut dire qu’il a bossé, au cours de sa carrière, avec Elton John, Boy George, MC Hammer ou encore Snoop Dogg ? Pas grande monde, à part peut-être Bappi Lahiri. L’artiste indien est né au Bengale Occidental dans une famille de musiciens. Par exemple son oncle, Kishore Kumar, était un chanteur connu. À 19 ans, Bappi part pour Bombay et accompagne alors l’artiste Mohammad Rafi. Alors en tournée à Chicago avec Mohammad, il entend le tube Saturday Night Fever dans une boîte de nuit. Ce sera le déclic.
En 1979, Bappi, 27 ans, s’occupe des musiques pour un film, Surakksha, et s’inspire alors des sonorités entendues aux États-Unis. Il déclenche alors une vague disco dans le pays qui dure durant deux décennies, des années 80 au début des années 2000. C’est notamment le long-métrage Disco Dancer en 1982 qui lui permet d’accéder à la notoriété. Bappi passe alors des années, environ 40 ans, à vivre comme un pacha et à inventer des musiques. Au total, l’homme a composé plus de 5000 chansons pour plus de 500 films (il aurait travaillé sur 33 films en une seule année, pour vous donner une idée de son stakhanovisme).
Fan d’Elvis Presley depuis tout petit, Bappi Lahiri a serré la main à un tas de personnes. Mère Teresa (en 1992), Samantha Fox (en 1995) mais aussi plein d’autres artistes, comme Michael Jackson (qui adorait ses chaînes en or et sa chanson Jimmy Jimmy) ou encore Snoop Dogg, avec qui il a enregistré le titre pendjabi Patiala Peg en 2015.
Bappi était une star comme on en fait plus. Il avait d’ailleurs déclaré, sans sourciller, que tout le monde connaissait son nom à Hollywood et qu’il avait reçu des offres pour collaborer avec Whitney Houston et les Jackson Five (qu’il a déclinées, visiblement). En 2002, il fout un procès à Dr. Dre qui avait utilisé un sample de l’une de ses chansons, Kaliyon ka Chaman, sur le disque « Addictive » de l’artiste Truth Hurts. Un procès qu’il gagne.
En 2014, le producteur s’était engagé en politique et avait rejoint le Bharatiya Janata Party, un parti de droite nationaliste hindoue. Et en 2017 à Amsterdam, il rencontre pour la première fois l’une des personnes qu’il respecte le plus : l’Italien Giorgio Moroder, pionnier du disco et des musiques électroniques.
Le musicien, qui s’était remis de la Covid-19, été hospitalisé en raison de multiples problèmes de santé. Il est décédé à l’âge de 69 ans, laissant une discographie immense et des chansons qui ont marqué plusieurs générations. Et qui devraient continuer d’inspirer et de faire danser durant encore quelques années.