2020 M11 16
Récemment Lous and The Yazuka nous faisait cette confession : « On a l'habitude de penser que les meilleurs artistes viennent d'Angleterre ou d'Amérique, alors qu'il y a de vraies propositions artistiques ici. Si j'étais née aux États-Unis, on écouterait différemment ma musique en France. Pareil pour des artistes comme Aya Nakamura. » La Bruxelloise met le doigt sur une possible vérité : la négligence avec laquelle les médias traitent certains artistes locaux, simplement coupables de proposer une singularité au sein de la musique populaire française - à l'instar de Nicki Minaj ou Cardi B, plus volontairement saluées dans nos contrées. Pourtant, Aya Nakamura n'a fondamentalement pas à rougir face à ses collègues américaines.
Ce constat vaut pour les paroles, rarement complexes, quoique toujours aussi enrobées par un storytelling poussé, des codes grammaticaux inédits et une recherche évidente de la "mélodicité" des mots. Mais il a également du sens au niveau des productions, peut-être le véritable point fort des disques d'Aya Nakamura.
À l’opposé de ces artistes qui laissent le soin à une flopée de producteurs d’envoyer leurs travaux avant de poser dessus, Aya Nakamura a eu l’intelligence de se constituer une équipe solide. Sur « Aya », son troisième album, on retrouve ainsi quelques producteurs qui rodent en backstage depuis quelques années. Il y a notamment Le Side (Youssoupha, Dinos, Ty Dolla Sign), trio formé par Aloïs Zandry, Machynist et Some-1ne, déjà à l'origine par le passé des succès de Pookie ou Djadja.
Aujourd'hui, la signature sonore reste sensiblement la même avec, entre autres, cette science du beat excessif, abandonné au zouk, à l'afro-beat et à ces rythmiques obnubilées par le mouvement du bassin (mention spéciale à Préféré sur lequel on retrouve OBOY, dont la présence s'explique probablement grâce à la collaboration de longue date entamée entre le rappeur et le trio de producteurs). Mais l’intelligence du Side, c’est aussi de transformer des textures parfois sombres en tubes, comme sur Doudou, qui s'appuie sur des drops de batteries assez malins, ou Fly, qui annonce en quelque sorte l’avenir de la variété française, avec cette production teintée de mélancolie, sauvée du passéisme par des nappes hyper sophistiquées.
Sur « Aya » se distingue également la touche stylistique d’un autre maestro du son : Julio Masidi, à qui l'on doit en partie Jolie nana, l'un des singles imparables de ce troisième album. Sa force : mettre en place un déluge de rythmiques enjouées, privilégier les sonorités riches en couleurs et opérer un travail sur les caisses claires. Cela s’entend notamment sur Tchop, donnant une chanson qui, si elle ne révolutionne rien en profondeur (le format est calibré pour les plateformes, la production taillée pour les clubs), se veut à l’image d’Aya Nakamura : peut-être imparfaite, sans doute excessive, mais animée par une recherche constante de l'efficacité mélodique. Ce supplément d’âme qui l’éloigne illico de ces artistes interchangeables, créateurs de paysages sans reliefs, aseptisés et mornes.