2022 M09 29
À force de dire qu'une partie des rappeurs français a perdu la partie face à la créativité galopante de leurs homologues belges, on a fini par oublier de mettre du respect sur les noms d’une scène suisse en pleine ébullition : Makala, Mairo, Di-Meh, Rico KT, Rounhaa, Varnish La Piscine… Ce sont pourtant eux qui envoient les traditions dans les cordes. Eux qui travaillent au corps une nouvelle génération d’auditeurs avec des propositions musicales hybrides, parfois techniques, souvent énergiques, et toujours plus tordues qu’on ne pourrait le croire. Depuis environ huit ans, Slimka entretient brillamment cette tradition, en même temps que la vitalité du hip-hop, cette musique fondée sur l’avancée perpétuelle et la toute-puissance de la nouveauté.
Aussi à l’aise en studio et en freestyle que sur scène, le rappeur helvétique a pris le temps de construire son projet : avec « Tunnel Vision », sorti en 2021, il est même le dernier membre de la SuperWak Clique (Makala, Di-Meh) à avoir sorti un album. À raison : là où tant d’artistes tentent le long-format une fois l’attention des médias acquise, Slimka a préféré brouiller les pistes, multiplier les pseudos (George de la Dew et Diego), s’engager socialement pour sa ville (Genève) et digérer ses multiples influences, musicales et culturelles - Slimka est né d'une mère italo-allemande et d'un père sénégalo-malien.
Résultat : à défaut d'être un disque apte à marquer les esprits, « Tunnel Vision » contenait suffisamment d'idées, de fouge, d'expérimentations et de variations dans le flow pour être autre chose qu'une simple curiosité rapidement oubliée, ce petit truc en plus à même de faire passer un manque de profondeur pour de la candeur juvénile.
Malgré la sortie de « Tunnel Vision », Slimka a gardé le même rythme de production, la même soif de créativité : « J’ai voyagé, j’ai fait de la musique, j’ai vécu, j’ai fait de la musique, explique-t-il. La musique est constamment avec moi, elle m’aide à avancer et atteindre un new level chaque jour. » Le voici donc de retour avec « 6KLOP », un 4-titres en partie produit Davy One (Kalash Criminel, Maes ou Wejdene) et le Suisse lui-même.
Véritable boule de nerfs, ce nouvel EP débute par Best Life, un mini-banger plus adapté à des pogos qu’à des danses sexy et se conclut sur un Boryngo à la production étouffante. Entre les deux, Clark Kent et Ace, deux morceaux dotés d'une vraie musicalité, sans réelles fulgurances littéraires mais symboliques d’une interprétation dynamique, changeante et capable d’incarner les élans égotrips d’un rappeur toujours fascinant lorsqu’il opte pour l’autodérision : « La mentalité, chez moi, ce n'est que gagner/ Mettre tout c'que j'veux dans le panier, m'acheter une Maybach, la casser comme Kanye ».