2022 M01 7
« Un nouvel univers sonore issu de l’esprit de The Weeknd ». C’est par ces mots que le Canadien a choisi d’introduire « Dawn FM ». Une promesse de renouveau, disons-le tout net, qui n’est pas totalement tenue - ce cinquième album poursuit la voie de la pop rétrofuturiste et des synthés 80’s entamée avec « After Hours » -, mais qui permet à The Weeknd de mettre en place un nouveau concept : l’histoire d’un monde où l’ensemble de la population est coincé dans un tunnel, en plein embouteillages, avec pour seule station de radio disponible, Dawn FM, celle censée guider le peuple vers la lumière.
Comme souvent chez le Starboy, le drame psychologique et la science-fiction ne sont pas loin. La mise en scène de soi également, et la présence de Jim Carrey en tant qu’animateur est là pour le prouver. Après tout, qui mieux que l'acteur de The Mask, Eternal Sunshine Of The Spotless Mind ou Truman Show pour incarner ce jeu sur les masques et l'aliénation de soi ?
L’acteur canadien, avec qui The Weeknd semble partager la même passion pour les télescopes et le transformisme, n’est pas le seul invité de « Dawn FM ». À la production, on retrouve les fidèles Max Martin (Britney Spears, Katy Perry, Justin Timberlake) et Oneothrix Point Never (FKA Twigs, Anohni), probablement chargé d’amener les mélodies d’Abel Tesfaye vers d’autres sonorités, plus électroniques, plus spatiales, à l’image de Gasoline où le crooner troque son falsetto mielleux pour des tonalités plus basses, moins prévisibles, peut-être plus proches du songwriting britannique.
À regarder les crédits du disque, il convient également de mentionner Calvin Harris (I Heard You’re Married), Bruce Johnston (Here We Go… Again, sur lequel l’ex-Beach Boys fait également les chœurs), Tyler, The Creator, Lil Wayne et Quincy Jones, le temps d’un A Tale By Quincy dispensable mais symbolique : jamais, en effet, The Weeknd, qui samplait autrefois la crème de l’indie (Beach House, Cocteau Twins, Siouxsie and the Banshees), n’a semblé aussi proche du son de Michael Jackson, période « Off The Wall », album conçu par… Quincy Jones. « Regarder en arrière est une saloperie, n’est-ce pas ? », s’interroge d’ailleurs le mythique producteur. Ce à quoi ce cinquième album semble répondre par l’infirmative, prouvant que les multiples hommages de The Weeknd (au roi de la pop, à Depeche Mode, à Daft Punk, à Hall and Oates, à la new wave) ne sont pas des emprunts, mais bien la continuité réfléchie avec des musiques qui l’ont précédées et inspirées.
Aux yeux de ses détracteurs, voire de ses premiers fans, qui n’ont jamais vraiment digéré les multiples changements de styles et d’approches depuis « House of Balloons », The Weeknd serait la dernière mouture d’une longue lignée d’artistes mercenaires à la solde de l’industrie : un pantin qui préfère se vanter d’avoir gagné « un quart de milliard de dollars au sein d’une année creuse » plutôt que d’aller au bout de ses idées les plus intimes. « J’ai commencé à écrire “Dawn FM” après avoir mis de côté un projet plus sombre, trop préjudiciable sur le plan émotionnel pour continuer à travailler dessus », a-t-il déclaré.
Il y a certainement un peu de vérité dans ce constat; certains morceaux de « Dawn FM » manquant de point de vue et d’idées, notamment Best Friends et Starry Eyes. Reste que ce cinquième album offre plusieurs raisons de se réjouir.
Parce que The Weeknd y privilégie une mélancolie sans tristesse, des moments de nostalgie et de vulnérabilité plutôt que les diatribes torturées (son péché mignon). Parce que les réflexions spirituelles et vaguement perchées de Jim Carrey (« Le paradis est pour ceux qui se débarrassent de leurs regrets », « Acceptez votre destin à bras ouverts », etc.) n’alourdissent en rien le propos, et semblent simplement là pour appuyer le concept de l’album. Et parce que « Dawn FM » contient une fois de plus un sacré paquet de tubes adaptés à tous types d’évènements exigeant un minimum de grandeur (mariages, anniversaires, bals de promo, etc.) : Take My Breath, Sacrifice, Out Of Time ou encore Less Than Zero sont en cela des nouveaux standards, immédiatement accrocheurs, avec lesquels il va falloir apprendre à vivre.