Un disquaire nous raconte son quotidien depuis la fermeture des boutiques

Depuis 2011, Toma Changeur est à la tête, avec sa compagne Esther, des disquaires les Balades Sonores à Paris et Bruxelles. Mais depuis dimanche, les boutiques sont fermées et les stocks de disques confinés eux aussi. Alors comment l’équipe s’organise-t-elle face au COVID-19 ? Réponses.

Comment se sont déroulés ces derniers jours ? 

Toma : Pour nous, on a fonctionné au jour le jour. Dimanche, le 15 mars, on a pris la décision de mettre toute notre équipe au chômage partiel puisque les magasins sont fermés. On a aussi débuté avec notre service comptable les démarches pour le report de charges. Au début, on pensait qu'on allait pouvoir aller au magasin tous les jours pour préparer les commandes en ligne, mais on se rend compte que c'était ambitieux. On va respecter les règles du confinement, mais si la poste continue son activité, on ira une fois par semaine envoyer les colis. On essaie de continuer l'activité en ligne mais il s'agit d'une goutte d'eau dans l'océan des pertes. Au-delà de faire un petit peu de chiffre d'affaires avec le site, on ressent surtout le besoin de continuer à communiquer sur les musiques qu'on aime. 

Le disquaire Day a été, pour l'instant, reporté au 20 juin. Vous étiez en pleine préparation de cet événement j'imagine...

Bien sûr, toutes les commandes ont été passées et validées par les différents distributeurs. Elles sont mises en attente pour le 20 juin, date à laquelle le Disquaire Day a été reporté dans le monde entier [il devait se tenir le 18 avril, ndlr]. Il y aura peut-être du retard sur certains disques si les usines de pressage sont arrêtées. Il y a encore des interrogations à ce sujet : lundi, les distributeurs nous disaient que les entrepôts étaient ouverts, mais depuis, j'ai reçu des messages pour m'informer qu'ils suspendaient les commandes et les expéditions en cours. Plusieurs sorties programmées au 27 mars et en avril vont être reportées, sans qu'on ait de date précise. 

Le plus rassurant est que cette journée ait lieu, surtout avec son importance pour les disquaires ?

Économiquement, cette journée est très importante. C'est aussi une opération de communication qui est forte et réussie. L'événement est devenu un rendez-vous qu'on aime beaucoup et que nos clients apprécient. On est content de savoir que le Disquaire Day n'est pas annulé parce qu'on rentre dans une période de vaches maigres. Ceci étant dit, le gouvernement a réagi rapidement, notamment pour soutenir les petites entreprises et les commerces. Les échéances peuvent être décalées comme sur les emprunts, on a fait une demande d'augmentation d'autorisation de découvert pour faire face aux prochains prélèvements : ça devrait nous aider. Même chez Warner, ils envisagent de décaler les prélèvements pour les disquaires indépendants. C'est une initiative positive. 

Vous anticipez déjà les sorties qui vont être décalées à cet été ou à l'automne et qui vont s'ajouter aux autres ?

Il y aura un embouteillage de sorties au mois de mai, de juin ou à la rentrée. Le problème, c'est que nos boutiques sont déjà pleines à craquer parce que le mois de mars est une période avec beaucoup d'albums importants que nous avons déjà commandés, déjà payés ou qui sont arrivés au magasin. Il y a par exemple « Aporia » de Sufjan Stevens, l'album des Strokes en avril, Sébastien Tellier, Baxter Dury, des rééditions de Daniel Darc et des disques plus pointus comme Pottery, Porridge Radio, etc. Sur notre site, on a 129 disques en précommandes.

C'est un stock qui va dormir et qui va se rajouter à celui qui est couramment en attente. L'objectif sera de ne pas sacrifier les prochaines sorties en communiquant sur les précommandes avec, en plus, un code promo de -10% (#stayhome) pour les achats en ligne. On a aussi communiqué sur l'existence des bons d'achats que l'on peut acheter dès maintenant et utiliser en boutique à la fin du confinement. 

Vous restez optimiste ? 

On aime la musique, alors on va continuer à partager et faire vivre la musique. On va par exemple demander à nos clients d'écrire des petites chroniques qu'on diffusera sur le site pour parler d'un album en commande, on peut aussi imaginer des playlists participatives et thématiques. Je ferais bien des petites capsules vidéos pour présenter des albums... On veut continuer à garder du lien. Mais parfois, j'ai des petits coups de moins bien et je me mets à douter. Il faut essayer de rester optimiste, même si c'est difficile. 

Pour se rendre sur le site des Balades Sonores, c'est par ici.