2020 M10 1
Quand on se penche sur la discographie de Trent Reznor, on oublie trop souvent de rappeler l’importance des projets qu’il mène en parallèle à ses albums ou ses collaborations sur les disques des autres (Saul Williams, Bowie, Queens Of The Stone Age...). On rate pourtant beaucoup de l’univers de l’Américain si on ne perçoit pas, derrière le travail proposé sur des albums studios, la façon dont il expérimente ses idées et obsessions dans des bandes-originales parfois peu exposées.
On dit bien « parfois », tant Trent Treznor a pris l'habitude depuis dix ans d'alterner les B.O. ambitieuses (The Social Network, Millenium et Gone Girl de David Fincher, Watchmen de Damon Lindelof) avec des travaux sur des films taillés pour Sundance (90's de Jonah Hill) ou tout simplement plus confidentiels (Bird Box de Susanne Bier, Waves de Trey Edward Shults).
Cette année, Trent Reznor a fait le choix de prolonger l'expérience au cinéma, et par extension son travail sur la relation entre le son et l'image, sur Soul de Pete Docter, la nouvelle production Pixar. Sur le papier, le dernier long-métrage du réalisateur de Vice-versa et Là-Haut a toutes les chances d'éclater les scores au box office, mais ce n'est pas vraiment ce qui nous intéresse ici.
La question est plutôt de savoir comment Trent Reznor, dont les premiers pas au cinéma remontent aux années 1990 avec quelques classiques du 7ème art (Tueurs nés, Lost Highway), va s'adapter à un univers plus enchanteur, à destination d'un jeune public, sans pour autant douter de sa capacité à réussir son pari : on parle quand même d'un producteur-compositeur-interprète capable de mixer l'ambient au dixieland (Watchmen), d'ancrer son univers dans l'electronica des années 1990 (The Social Network), de développer des textures new age (Gone Girl) ou encore de multiplier les clins d’œil aux B.O. synthétiques des films d’horreur (Bird Box).
À en croire ses différentes interviews, créer une bande-son serait un moyen pour Trent Reznor de mettre son ego de côté, de s'abandonner aux directives et aux images d'un réalisateur. C'est d'autant plus vrai qu'il a pris l'habitude de bosser sur ces différents projets aux côtés d'Atticus Ross, membre de How To Destroy Angels. Ensemble, les deux compères ont notamment reçu le Golden Globe de la meilleure musique de film et un Oscar dans la même catégorie pour The Social Network - on n'oublie pas non plus l'Emmy de la meilleure bande-son pour Watchmen.
À chaque fois, l'idée est peut-être de récompenser cette volonté « d'aider à décoder la vision du scénariste ou du réalisateur », mais aussi cette utilisation maligne des synthés analogiques : celle qui offre au biopic de Mark Zuckerberg une flopée de morceaux que l'on image tout à fait pouvoir être écoutés par les personnages du film pendant qu’ils mettent au point l'avenir du monde.
Le plus fou est que Trent Reznor et Atticus Ross, comme le rappelle un article de Vice, ont parfaitement su « définir le son cinématographie des années 2010, incarnant la paranoïa, la confusion, la peur et la mélancolie de l'époque ». Et c’est vrai que l’on peut difficilement imaginer ce qu’auraient été les BO de It Follows ou Under The Skin si les deux compositeurs n’avaient pas défriché, au préalable, le terrain de ces sons froids, presque malsains par instants.