2021 M06 16
« Ma réponse, c’est : va te faire foutre ». Roger Waters n’a pas mâché ses mots contre Mark Zuckerberg et Facebook ce 12 juin, au People’s Forum de New York. À l’occasion d’une journée de soutien à Julian Assange, il a révélé avoir reçu un mail de la part du réseau social, demandant la permission d’utiliser Another Brick In The Wall dans une publicité pour Instagram. Moyennant une « grosse, grosse quantité d’argent ». Le bassiste est outré, « ça fait partie de leur mouvement insidieux pour contrôler absolument tout » et « censurer tous ceux qui sont dans cette pièce » affirme-t-il, ajoutant que Zuckerberg est « l’un des idiots les plus puissants du monde ».
“¡Vete a la chingada!”: @rogerwaters a Mark Zuckerberg. El músico contó que le ofrecieron “una gran cantidad de dinero” por permitir el uso de Another brick in the wall II para promover Instagram. Lo narró en un acto por la libertad de Julian Assange (@Wikileaks)#VideosLaJornada pic.twitter.com/gEVqaor8Eo
— La Jornada (@lajornadaonline) June 12, 2021
Le ton utilisé ne surprendra pas ceux qui suivent les sorties médiatiques de Waters. Depuis bien longtemps, il multiplie les engagements politiques et prises de position, n’hésitant pas à se mettre plusieurs personnes à dos.
À l’origine de « The Wall », déjà, se trouve son premier pétage de plombs. Il faut remonter en 1977, et un concert à Montréal des désormais superstars Pink Floyd. Un fan en particulier, très excité, exaspère particulièrement le musicien. « Il voulait se battre, en fait, et moi, je voulais faire un concert rock. » Sa solution : lui cracher en plein visage. C’est cet épisode qui a été le point de départ d’une réflexion menant à « The Wall », et ses concerts où un mur de 12 mètres était bâti en direct entre le groupe et son public.
Le film tiré du disque, sorti en 1982, enfonce le clou : Waters y livre toutes ses rancoeurs et ses doutes. À partir de là, le mur se situe entre lui et le monde entier, y compris le reste du groupe. Après avoir fait renvoyer le claviériste Rick Wright, il finit par quitter lui-même Pink Floyd. Mais ses albums solo sont dans la même veine : des albums-concepts très grandiloquents, et engagés politiquement. Sans jamais être étouffés par la subtilité dans ses commentaires… Son troisième disque, « Amused To Death » en 1992, critique notamment l’influence de la télévision, la religion et la guerre du Golfe.
Mais c’est bien à partir des années 2000 qu’il attire encore plus l’attention, en s’engageant en faveur de la Palestine. En 2006, il annule un concrt à Tel Aviv, pour dénoncer le « mur de la honte » qui délimite Israël de la Cisjordanie, suite au début de la seconde Intifada. Pour lui, c’est un projet d’extansion d’Israël sur le territoire palestinien. Depuis, Roger est un militant actif du boycott d’Israël, invitant par exemple Radiohead, Bon Jovi ou Nick Cave à annuler leurs venues dans le pays. Ce qui lui a, bien sûr, valu de nombreuses inimitiés.
Il faut dire que, comme dans ses disques, le bassiste n’y va pas avec le dos de la cuillère. En comparant la politique israélienne à celle du régime nazi, il a reçu de nombreuses accusations d’antisémitisme. Et celles-ci se sont renforcées l’an dernier, après une interview lunaire à propos du mouvement Black Lives Matter. Dans un premier temps, il attribue, à tort, la parenté de la technique ayant entraîné la mort de George Floyd au Mossad. Il qualifie ensuite le sionisme de « vilaine tâche » qu’il faudrait « doucement nettoyer ». Avant de définitivement partir en vrille en pointant Sheldon Adelson, multi-milliardaire américain décédé depuis, et grand soutien du parti républicain. Pour Waters, il est « le marionnettiste, qui tire les ficelles de Donald Trump, Mike Pompeo [proche de Trump], et l’ambassadeur d’Israël ». Reprenant ainsi une rhétorique flirtant très dangereusement avec l’antisémitisme.
Mais les prises de positions de Roger Waters ne concernent pas uniquement le conflit israélo-palestinien. Pour lui, « les musiciens ont le droit, et le devoir, de prendre la parole ». Et il le fait, surtout durant ses concerts. Pendant sa tournée de 2018, il projette sur un écran de nombreuses images détournant Donald Trump, mais aussi Theresa May, la famille Le Pen, Berlusconi ou Erdogan, accompagné du slogan « Les porcs gouvernent le monde », comme rapportait au Figaro. Dans les médias, il n’hésite pas à s’attaquer frontalement à ces dirigeants, ainsi qu’à Bolsonaro ou Orban, et ce à plusieurs reprises.
Il affiche également son soutien à des personnalités de gauche parfois très controversées, comme Evo Morales en Bolivie, et surtout Nicolàs Maduro, président du Venezuela. Depuis 2018, il est également sur liste noire en Ukraine, après avoir défendu l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Et la liste pourrait encore s’allonger de ces prises de position tranchées, et parfois fumeuses. Un tour sur sa chaîne YouTube permet également de trouver un soutien aux gigantesques manifestations chiliennes de 2019, ou un appel à libérer Julian Assange en 2020. Et on peut attendre encore d’autres saillies, puisque Waters est actuellement en train d’écrire ses mémoires. Autant dire que ça va saigner.