Tous ces moments où l'on aurait dû voir que Marilyn Manson n’était pas net

Difficile de dire si on pouvait le voir venir. Toujours est-il qu’on n’a pas été tellement surpris des accusations d’Evan Rachel Wood, suivie par quatre autres femmes, envers Brian Warner, alias Marilyn Manson. Déjà, parce que l’actrice avait déjà témoigné en 2018, certes sans donner de nom, mais le lien était clair pour beaucoup. Et surtout, beaucoup de signes avant-coureurs étaient déjà là.
  • Depuis la bombe lâchée le 1er février par l'actrice Evan Rachel Wood, les témoignages se sont succédés, venus d’anciennes relations ou d’anciens collaborateurs, qui tous enfoncent le clou. Difficile aujourd’hui de douter que Marilyn Manson est ce dont on l’accuse. Certaines ex, comme Rose McGowan et Dita Von Teese, déclarent n’avoir jamais vécu de violences, tout en affirmant leur soutien aux autres femmes. La chanteuse Otep Shamaya, du groupe Otep, en a même rajouté une couche, racontant un appel venu en 2012 de la femme actuelle de Manson, Lindsey Usich, à la merci du délire paranoïaque et drogué de son mari. Une avalanche de témoignages souvent douloureuse à lire, et dont le voyeurisme entraîne une gêne vis-à-vis des victimes.

    Mais surtout, tout cela est raccord avec un paquet de choses que tout le monde pouvait savoir à propos du chanteur. Son nom, déjà, est porteur de violence et de sexualité, et toute son oeuvre en est pétrie. On parle bien sûr ici d’expression artistique, mais l’obsession de Manson pour le viol est palpable depuis ses débuts. Et surtout, l’envers du décor n’est malheureusement pas reluisant. Avertissement aux personnes sensibles.

    Premier signe, toujours assez malsain : la fascination du bonhomme pour l’univers nazi. Qui le mène à côtoyer des néo-nazis notoires comme Boyd Rice, ou à entreposer « une veste en peau d’agneaux siamois, des uniformes nazis ou un fœtus décédé » chez lui, comme le racontait le Guardian en 2007. Evan Rachel Wood le présente comme antisémite, et en 2018, l’actrice Charlyne Yi l’accusait de propos racistes à son encontre, sur le tournage de la série Dr. House. Sans parler d’épisodes violents, comme lorsque le chanteur a failli mettre le feu à son batteur en 2000, ou qu’il se vante d’avoir menaçé des journalistes avec un flingue.

    La relation problématique qu’entretient Marilyn Manson envers les femmes n’est pas nouvelle. Dès 1994, dans une de ses premières interviews à l’occasion de son album « Portrait Of An American Family », il évoque sa fascination pour l’asphyxiation érotique, « quand on étrangle son partenaire durant le rapport, au point qu’il s’évanouisse […]. C’est ce qu’il y a de plus proche du sentiment d’avoir vraiment tué quelqu’un ». Pleine de sang-froid, la journaliste lui demande ensuite son plus grand fétiche, à savoir « les jeunes filles ». Ambiance. Bien sûr, et cela vaut pour la suite, l’icône gothique s’est toujours défendue de tels propos, arguant qu’ils ne sont que des provocations destinées à entretenir son mythe sulfureux. On s’en serait quand même bien passé.

    Mais le sommet du malaise est définitivement atteint en 2009, dans une interview pour le site Spin, où il évoque sa séparation avec Evan Rachel Wood. Durant la nuit de Noël 2008, il l’aurait appelée 158 fois, « et chaque fois […] je prenais une lame de rasoir, et je me scarifiais, le visage ou les mains. Je voulais lui montrer la douleur qu’elle me faisait ressentir ». Avant de poursuivre : « J’ai tous les jours des fantasmes où j’écrase son crâne avec une massue ». En d’autres mots : le comportement d’un manipulateur qui veut s’assurer de son emprise.

    Car sa violence n’a rien de romantique ou délirante : elle est tristement courante. En 2015, alors en promotion pour son album « The Pale Emperor », il livrait au magazine Dazed sa vision de la femme, à ne pas confondre avec du Donald Trump : « les femmes devraient toujours être présentes quand on rentre chez soi […] avec de la lingerie, les jambes écartées ». Un fantasme d’une grande classe, selon lui venu de son père : « la vision des femmes de mon père était : "si tu veux avoir un homme, écarte tes jambes. Et si tu veux le garder, ferme ta gueule" ». Reconnaissant la stupidité de cette phrase, il poursuit néanmoins : « je ne suis pas sexiste, mais j’ai tendance à avoir des caractéristiques misogynes ». La nuance était importante.

    Et c’est peut-être au final ça la révélation la plus choquante dans cette histoire : la violence de Marilyn Manson est loin d’être aussi extraordinaire que son personnage. Dans l’affaire Weinstein, le mouvement #Musictoo, le harcèlement dans les médias, les entreprises de jeu vidéo, les ressorts psychologiques sont toujours les mêmes, quels qu’aient été les efforts de Manson pour faire passer ça pour du romantisme. Derrière le masque de Marilyn Manson, Brian Warner n’est qu’un homme violent comme tant d’autres avant lui. Rien de plus, mais rien de moins non plus.