2023 M08 30
Matthieu Deprieck - Les 4 de Manchester
Comment écrire un roman de fiction à partir d'une histoire vraie ? Visiblement, Matthieu Deprieck a la réponse. Avec Les 4 de Manchester, le Français raconte l'histoire de Slime, Cairo, Snob et Paddy, quatre jeunes hommes qui, pour tromper l'ennui, ont trouvé deux solutions : se noyer dans les disques des groupes locaux (on est dans les 80's, donc New Order, A Certain Ratio, 808 State, etc.) et ouvrir les portes de l'Haçienda, cette boîte mythique qui servira de bande-son à leurs révolutions personnelles, à leur adolescence éternelle.
Les 4 de Manchester, c'est aussi l'histoire captivante d'une ville et d'une scène musicale qui se métamorphosent, plombées par les gangs, les drogues et les règlements de compte : autant de débordements et de violence qui finiront par avoir raison de l'Haçienda, et donc des dernières années d'insouciance des quatre protagonistes.
Ludovic Villard - Bandes Originales & Cinéma de Genre : de Psychose à Blade Runner
Si les éditions Le Mot et le Reste ont fait du format anthologie une marque de fabrique, certaines se révèlent plus audacieuses que d'autres. Ainsi de Bandes Originales & Cinéma de Genre : de Psychose à Blade Runner, écrit par Ludovic Villard : en 312 pages, celui que l'on connait mieux sous son nom de rappeur (Lucio Bukowski) explore deux décennies de création artistique, résumées en une sélection de 100 bandes-originales allant de La rançon de la peur à Shaft, en passant par Sorcerer, Assaut ou Le Samouraï.
L'occasion de mettre en lumière le caractère inventif de ces œuvres, leur portée avant-gardiste ou contestataire, mais aussi de revisiter via une plume lettrée et experte differents courants cinématographiques : le Nouvel Hollywood, les gialli italiens, les yakusa eigas japonais, les westerns spaghettis ou encore les films d'horreur et de science-fiction.
Ivan Jablonka - Goldman
Par pur snobisme ou simple méconnaissance, la critique a tôt fait de consacrer ses articles à une certaine catégorie d'artistes, délaissant les plus populaires, celles et ceux qui bercent plusieurs générations d’auditeurs, donnent envie au grand public d'aller au bout de leurs rêves, là où la raison s'achève. On aurait pourtant tort de passer à côté de Goldman d'Ivan Jablonka, où l'historien revient sur la carrière du fameux « chanteur préféré des Français » pour livrer une réflexion pointue sur la culture populaire et cette notion de bon goût si chère aux élites culturelles.
En creux, Ivan Jablonka puise également dans l'existence de l’auteur-compositeur pour sensibiliser le lecteur au destin des Juifs communistes d'Europe de l'Est, parler de masculinité vulnérable, de déracinement ou du droit à la différence. Pour résumer : le punk et les situationnistes avaient Lipstick Traces de Greil Marcus, la chanson française et la culture populaire ont Goldman.
Sean O’Hagan - Foi, espérance et carnage
Que se passe-t-il quand les artistes accordent plus de trente minutes d'interview dans un hôtel sans âme ? Foi, espérance et carnage pourrait être la réponse : tirés de plus de quarante heures d'entretiens avec le journaliste Sean O'Hagan, ces 368 pages plongent dans les pensées intimes de Nick Cave. Où trouve-t-il l'inspiration ? Qu'est-ce qui nourrit son œuvre ? À quel point la spiritualité apporte de l'épaisseur et de l'optimisme à ses textes ?
Intelligement, Foi, espérance et carnage se révèle toutefois être bien plus qu'un ouvrage analytique ; c'est une leçon de vie, un livre qui en dit beaucoup sur la place de la méditation, de la création, de l'amour et de la mort dans la vie d'un homme rongé par le deuil.
Dawnie Walton - Le dernier revival d’Opal & Nev
Lui est britannique et rêve de gloire. Elle est une icône afro-punk, révoltée et farouchement libre. Radicalement différents, Neville Charles et Opal Jewel ont pourtant bouleversé la scène rock. Producteurs, stylistes, musiciens, tous ceux qui les ont côtoyés ne peuvent s'empêcher de raconter qui ils étaient, leur importance, la singularité de leur formation, Opal & Nev, l'excitation procurée par leur retour sur scène, des décennies après leur dernier concert à l’été 1970.
Totalement fictive, cette histoire permet toutefois à Dawnie Walton, dont Le dernier revival d’Opal & Nev constitue le premier roman, de multiplier les références bien senties (à Talking Head, par exemple), de mêler l’histoire du rock aux tensions raciales qui agitent encore aujourd’hui les États-Unis. C’est fascinant, pertinent, et parfois très poétique. Si bien que l’auteur américain Ta-Nehisi Coates adapte actuellement le livre en série pour HBO.