Rencontre avec Julien Peultier, celui qui a mis des images sur l’aventure Last Train

Il est le guitariste de Last Train, déjà, mais Julien Peultier est aussi l’artisan du (très bon) documentaire “The Big Picture”, diffusé en exclusivité sur Jack, relatant la création de l’album éponyme du groupe alsacien. Alors si vous voulez savoir comment, d’un voyage en Norvège on en vient à faire 40 minutes d’images poignantes, ça se passe juste en dessous.
  • A quel moment tu t’es dit qu’il fallait faire un documentaire sur Last Train ? 

    C’est venu assez naturellement, je réalise et m'investis à fond dans les clips de Last Train depuis le début. Au moment d’aller en Norvège, on a fait appel à Hugo Pillard pour documenter et prendre des images de ces moments en studio. On a tourné pas mal d’images ensemble, on savait qu’on allait en faire quelque chose. 

    Le moment charnière pour ce docu c’est lorsque, durant la pandémie, le Main Square a proposé aux artistes de proposer un contenu vidéo avec carte blanche. De là, je me suis dis que ça pouvait être sympa de proposer un petit format de 10-15 minutes, mais tout s’est enchaîné vite et on a fini à 40 minutes de documentaire.

    Quels documentaires, films, ou inspirations t’ont donné envie de faire ça ? 

    Si je devais donner une inspiration principale, en tout cas un documentaire musical qui m’a marqué, ce serait “Dig!” le documentaire sur le groupe The Dandy Warhols, je le recommande si vous êtes friands de ce type de contenu, c’est super.

    A part cela j’ai vu beaucoup de documentaires plutôt en dehors de la musique, mais qui m’ont marqué dans le rythme et le ton donné au sujet comme les documentaires sportifs par exemple.. Je voulais faire un documentaire assez réaliste, un peu à la France TV au début, puis au fur et à mesure, c’est évidemment l’histoire d’amitié qui a pris le dessus dans la ligne directrice.

    Est-ce qu’on réagit différemment lorsqu’on fait de la musique devant une caméra ?

    C’est un sujet assez épineux. Quand tu sais que tu vas faire un documentaire ou même que tu veux garder des images de moments aussi importants dans une vie, tu peux te dire qu’il y a une notion de “rushs utilisables” qui entre en compte.

    Après on était tellement concentré sur le fait de sortir le meilleur album possible qu’on agissait totalement naturellement devant la caméra, qu’on l’oubliait presque, car on avait 10 jours pour tout enregistrer quand même. Ce qui est intéressant quand tu t’occupes du montage, comme j’ai eu la chance de le faire, c’est que tu te rends compte de qui a envie de faire ses petites blagues devant la caméra pour attirer l’attention, c’est assez rigolo.

    Et justement,  même après des heures de montage, tu n’en as pas eu marre de voir la tête de tes meilleurs potes ? 

    J’avoue qu’au bout de plusieurs heures à me retaper les mêmes images j’ai commencé à me rendre compte que je reconnaissais toutes leurs mimiques ou tics de langage, je me demandais si je devenais pas fou. Mais ça m’a surtout fait comprendre que lorsque tu peux passer des centaines d’heures de montage sans en avoir marre de tes amis, c’est que tu les aimes vraiment. 

    Un moment que tu aurais aimé mettre dans le documentaire mais que personne n’a pu capturer ?

    Il est vrai qu’on a eu quelques galères, Hugo Pillard a fait un travail démentiel de documentation et durant toute notre aventure. Il lui a cependant manqué un micro-caméra pendant deux jours qu’il a dû aller chercher jusqu’à Oslo. 

    Donc, pour quelques moments importants du documentaire je n’avais que des images. J’ai dû faire quelques petits tricks au montage pour résoudre ce type de soucis. Mais je pense que c’est le lot de tout documentaire : faire avec ce qu’on a et s’en sortir. Allez je donne une petite anecdote secrète concernant la séquence du documentaire "On Our Knees” : je n’avais pas de son exploitable alors je m’en suis sorti avec du son d’illustration, et je trouve qu’au final ça donne pas mal de force à la scène. 

    Etant donné que tu étais au montage, c’est donc toi qui t’es emparé de la trame du documentaire ? Où c’est quelque chose que vous aviez décidé en amont ? 

    J’ai effectivement fini par décider de la trame et du ton que devait avoir le film pour une raison toute simple finalement. On avait décidé d’un fil rouge concentré sur la manière dont avait été réalisée l’album certes, mais de manière réaliste.

    Finalement, lorsque j’étais tout seul avec les rushs je me suis rendu compte que le sens du docu devait davantage se tourner vers l’histoire d’amitié que dégageaient les images.

    Comment as-tu fait pour gérer la réalisation du documentaire et la production musicale en même temps ?

    J’ai eu le luxe de ne pouvoir que me concentrer dessus car le côté “production musicale” était derrière nous à ce moment-là. Comme dans beaucoup de moment où je dois faire les clips pour Last Train, c’est à posteriori que l’on réfléchit à la mise en images, donc je sépare assez bien les deux. 

    Le fait d’être dans deux processus créatifs différents, que ce soit en répétant beaucoup les morceaux, puis en ayant la chance de les mettre en images, me permet, je l’espère, d’être le plus à même de représenter à l’écran ce qu’est le groupe. Il y aurait pu avoir des dizaines d’autres versions avec des réalisateurs différents, mais on voulait faire quelque chose de réaliste, qui nous représentait vraiment. 

    Ce qui ressort effectivement du documentaire est vraiment personnel, tu aurais laissé quelqu'un d’autre, extérieur à Last train, faire ce travail à ta place ? 

    Effectivement on a un côté très “control freak”, on veut maîtriser à fond les contenus qui sortent sur nous afin de montrer le meilleur de ce qu’on peut faire. J’aurais donc tendance à dire que c’est compliqué, que je souhaiterais avoir un regard dessus. 

    Après en réfléchissant, j’ai vu beaucoup de reportages sportifs (Julien est aussi un supporter aguerri du FC Sochaux Montbéliard, club historique français ndlr), comme Netflix peut en sortir de très bon en ce moment, j’aime bien quand des personnes extérieures jettent un regard sur une carrière, au risque même de défendre des points de vues différents des protagonistes. Je peux prendre les exemples de “Formula One” ou encore du documentaire sur le club de foot anglais de Sunderland qui parviennent à montrer les mauvais moments, sans dénaturer la réalité. 

    En ce sens, la séquence d’"engueulade” dans le docu était importante pour toi on suppose ? 

    Je suis assez content d’avoir eu des images de cette dispute. Je voulais montrer que dans la création musicale, tout n'est pas rose mais que ça finit toujours bien quand on a les meilleurs amis. Cela rappelle aussi la place de chacun dans le groupe et le respect que chacun se porte. Jean-Noël a le dernier mot dans cette séquence, mais ce que j’ai surtout voulu montrer, c’est ce que 10 ans d’amitié permettent d’avoir. 

    Il fallait bien finir par une question bête alors est-ce qu’il faut s’attendre à un documentaire par album maintenant ? 

    Pour faire ce documentaire, on a attendu d’avoir beaucoup de choses à raconter. On a fait 300 concerts, enregistré plein de chansons. faire un documentaire par album serait peut-être un peu redondant mais on vous prépare encore plein de surprises, et plus tôt que vous ne pensez.

    Alors si vous n’avez pas déjà quitté l’interview pour vous (re)faire “The Big Picture”, on vous cale la vidéo juste en dessous, comme ça, pas d’excuse, mais alors aucune.

    Crédits Photo : Rémi Gettliffe

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