2019 M09 18
Happy birthday. Les 25 ans du premier album d’Oasis, les 50 ans du « Let It Bleed » des Stones ou encore les 10 ans de « Night Out » de Metronomy, peu importe l'âge, tous les anniversaires sont une bonne occasion d’aller jeter un œil dans les tiroirs pour y trouver un disque à ressortir. Avec le retour du vinyle depuis quelques années et la domination du streaming, tous les labels s’y mettent, aussi bien les majors (qui le font depuis longtemps, certes) que les indépendants qui ont trouvé un filon à exploiter (il en faut bien pour survivre).
Tous ces labels utilisent leur back catalogue, c’est-à-dire la discographie de leurs artistes, pour générer des revenus. Il faut bien avouer qu’entre une prise de risque sur un jeune groupe au succès imprévisible et un coffret de Muse avec, surprise, des inédits « découverts dans un grenier par hasard », des photos jamais publiés et de mauvais live en DVD, le choix de la maison de disques est vite fait. L’un est presque assuré d’être rentable (on vous laisse deviner lequel) alors que l’autre peut potentiellement faire plonger les comptes dans le rouge.
Queen vs Angèle. Pour savoir quel choix faire, les chiffres sont une bonne indication du marché et des attentes du public. Par exemple, la vente de vinyles représentait l'an dernier 19% du marché français physique. Le SNEP indique que les meilleures ventes proviennent du back catalogue : Nirvana, Queen, Amy Winehouse, Bob Marley ou encore les Beatles. Seulement un quart des 50 meilleures ventes sont des nouveautés (Angèle, Orelsan, Lomepal ou encore Eddy de Pretto). Et pourtant, il est ici question d’artistes relativement mainstream remplissant des salles sans aucun souci.
Du côté streaming, Emmanuel de Buretel, fondateur du label Because, explique dans une interview pour les Échos : « Les publics plus âgés vont se mettre à l’écoute en ligne. L'exploitation des back catalogues en streaming est aujourd'hui un enjeu important pour les producteurs et les plateformes. » À votre avis, pourquoi Jean-Jacques Goldman s’est finalement résigné à uploader toute sa discographie sur Spotify et compagnie fin août ? Selon BFMTV, 15,5 millions de morceaux ont déjà été joués en trois semaines sur Spotify. Financièrement, c'est évidemment rentable.
Faire du neuf avec du vieux ? Déjà en 2009, le Guardian écrivait dans cet article que « les maisons de disques n’arrivent pas à gagner de l’argent sur de nouveaux artistes, alors elles fouillent dans leurs back catalogue pour trouver des trésors cachés afin d’exploiter les anniversaires, attirer les nouvelles générations de fans, assouvir la demande de rééditions de collection et faire face à l’élan de nouveaux formats tels que les téléchargements. »
Dix ans plus tard, le constat n’a pas trop changé. Mais on peut aussi voir le verre à moitié plein (et non à moitié vide) : les rééditions permettent-elles peut-être de lancer de nouveaux artistes ? Pas vraiment : « Il n’y a pas un circuit type du style une réédition va financer un nouvel artiste, explique le salarié d’un label basé à Paris. Les rééditions engendrent aussi des coûts (remastering, création, communication, fabrication, etc.). Et pour en faire, il faut avoir un bon catalogue et des personnes à plein temps dessus, donc ça demande pas mal de moyens. »
À qui la faute ? La période des fêtes est un exemple à part. Entre septembre et décembre, les majors lancent les grosses sorties et les coffrets XXL, et en profitent pour sortir aussi les nouveaux artistes. Les indépendants s’engouffrent dans la brèche et font la même chose, en espérant que « l’achat appelle l’achat ». Noyés dans la masse, quelles sont les chances des jeunes Rouennais de MNNQNS face à Prince ou Johnny Hallyday ? Très minces. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils sont oubliés ou même villipendés. C'est juste que Pink Floyd sera toujours plus intéressant, financièrement, que le petit groupe indé qui monte. Et ça, ce n'est pas forcément la faute de l'industrie. Les fans de musique, qui plus est de rock, ne seraient-ils pas devenus aussi conservateurs que leurs parents ?