"Raw Power" des Stooges, l’album préféré de vos rockstars préférés

Kurt Cobain (Nirvana), Jason Pierce (Spacemen 3, Spiritualized), Thurston Moore (Sonic Youth), Johnny Marr (The Smiths) ou encore Steve Jones (Sex Pistols) ont tous au moins un point commun : ils vénèrent « Raw Power », le troisième album des Stooges qui fêtera bientôt ses 50 ans. Et on peut les comprendre.
  • C’est une évidence. Quand Iggy Pop, Dave Alexander, Ron Asheton et Scott Asheton débarque, le monde n’est pas encore prêt à entendre ce qu’ils ont à dire, ni la manière dont ils veulent se faire entendre. La violence est inouïe. L’attitude n’a rien à voir avec ce que les sixties ont montré, et d’une manière, le punk naît dans aux États-Unis avec eux, les MC5 et Suicide. Et si au début des années 70, les Stooges sont toujours incompris (comme l’a été le Velvet Underground avant eux), les années ont aidé à mieux saisir l’ampleur du phénomène, ô combien ils furent en avance sur leur temps et à quel point ce disque - et la carrière de ce groupe de tarés dans sa globalité -, a permis à d’autres artistes de pénétrer dans les abysses du rock’n’roll.

    S’il est difficile de choisir entre les trois albums des Stooges, « Raw Power », sorti en 1973 et mixé par David Bowie, est peut-être celui qui a le plus marqué les esprits. La raison ? De nombreux artistes et musiciens ont évoqué leur amour pour ce disque. 

    Pour apprendre à jouer de la guitare, et piger un peu en quoi consiste vraiment le punk, Steve Jones des Sex Pistols s’est cogné « Raw Power » en pleine figure, comme c’est écrit dans cet article de Spin datant de 1992. Il passe alors des heures à essayer de reproduire la férocité du jeu de guitare de James Williamson (et à tenter le solo de I Need Somebody, on imagine). Une manière d’aborder la musique qui se répercute ensuite sur l’esprit des Pistols : on joue vite, on plaque des accords faciles et on s’emmerde pas à faire plus compliqué que ça.

    L’Anglais n’est pas le seul à s’être pris une petite claque en mettant cet album sur sa platine. Aux États-Unis, un certain Kurt Cobain liste dans son classement de ses 50 albums préférés celui des Stooges sur la première marche du podium, devant « Surfer Rosa » des Pixies et « Pod » des Breeders. 

    Pour Thurston Moore de Sonic Youth, « Raw Power » est toujours son disque de chevet préféré. L’Américain en a parlé dans plusieurs interviews, dont celle-ci pour Nylon : « Ce disque m'a arraché la tête. L'agression et l'imagerie psycho-sexuelle étaient vraiment mystérieuses et séduisantes. D'une certaine manière, il m'a fait découvrir tous ces autres aspects de la musique et de la littérature qui m'intriguaient vraiment, comme William S. Burroughs et la Beat Generation. »

    « Raw Power » est aussi le tout premier album que Jason Pierce, moitié de Spacemen 3 et tête pensante de Spiritualized, a acheté. Il tombe amoureux de la pochette et de la photo d’Iggy Pop. Deux morceaux (I Need Somebody et Raw Power) ne sortent pas de sa tête. Elles lui permettent de comprendre ce qu’il va par la suite aimer dans le rock : le fracas, la simplicité et l’énergie. 

    Même si avec les Smiths, on est assez loin des Stooges, Johnny Marr a expliqué en 2012, dans cet article de Spin, comment « Raw Power » a changé sa vie. C’est un ami à lui un peu plus âgé qui lui parle du groupe. Johnny parvient à se procurer une copie de l’album chez un disquaire de Manchester. « Ce qui m'a d'abord frappé dans « Raw Power », c'est sa belle noirceur, sa sophistication presque. Il offrait exactement ce qui était écrit sur la pochette : un rock'n'roll drogué d'un autre monde, du sexe, de la violence, mais c’était étrangement beau. À partir de ce moment-là, je suis entré dans un nouveau monde avec ce disque », raconte le guitariste au magazine. Il poursuit : « On m'a souvent demandé qui était mon guitariste préféré, et je réponds toujours James Williamson. J'aime d'autres guitaristes pour d'autres raisons, évidemment, mais quand il s'agit d'aller plus loin, James a tout pour lui ». 

    Il y a d’autres exemples probants. Henry Rollins (Black Flag) s’est fait tatouer le nom de l’une des chansons de l’album (Search and Destroy). Et enfin, John Frusciante (qui est de retour avec les Red Hot), a déclaré à propos de ce disque : « Quand on pense à toutes les façons dont les groupes d'aujourd'hui essaient de développer le rock and roll, la plupart d'entre eux ont l'air plutôt stupides à côté de « Raw Power ». C'est une déclaration définitive. » Rien de plus à ajouter. 

    Pour aller plus loin, un livre écrit par Gilles Scheps, Julien Deléglise et Serge Kaganski intitulé Iggy Pop and The Stooges est disponible depuis décembre 2021.