2017 M12 15
On y entend les dernières lubies de Pharrell
Pharrell Williams est un artiste touche-à-tout, ce dont témoigne une nouvelle fois « No_One Ever Really Dies ». Son obsession ? « Ne pas se répéter », annonçait-il fièrement lors de la conférence de presse présentant le disque il y a quelques semaines. « Le temps du changement est arrivé. » Pour ça, il a pioché dans le répertoire de Gang of Four, de Suicide ou de Devo, ses dernières découvertes musicales, mais aussi de Kraftwerk ou du parrain du hip-hop Afrika Bambaataa pour pondre un disque qui prend à contrepied « l’agressivité de la musique qu’écoutent les jeunes aujourd’hui », selon ses propres termes.
Chaque morceau est un « Transformer »
À l’image de l’ouverture Lemon, façon punk-rap new-yorkais de la fin des années 1970, la plupart des titres sont montés sur ressorts. D’après Pharrell, ce sont des « robots Transformers ». Terme bien choisi puisqu’on entend tout et n’importe quoi dans un seul et même titre, quitte à se perdre en chemin. Mais pour mieux y revenir, intrigué, vu que cette drôle de potion indigeste s’apprivoise au fil des écoutes.
Écrit sous influence Devo, 1 000 conjugue rap vintage et échos technoïdes. D’un up tempo surexcité à une ritournelle aux échos tropicaux, Voilà joue sur les variations rythmiques, tout comme Rollinem 7’s, tout en structures et déstructures pop, porté par un André 3000 en feu. On succombe aussi au charme de l’hymne tribal, étrangement festif, de Kites ou à des titres comme Deep Down Body Thrust inscrits dans la fameuse veine pop-rap-punkoide-skatecore de N.E.R.D.
Pharrell est seul aux commandes, mais bien entouré
Si ses deux camarades de jeux, Shay Haley et Chad Hugo, ont bien évidemment eu leur rôle à jouer, Pharrell reste la force motrice du disque, qu’il habille de tout ce qu’il aime, LUI. Ce qui ne l’empêche pas d’inviter le gratin de ce qu’on pourrait qualifier de hip-pop : Rihanna, Future, M.I.A., Gucci Mane, André 3000, Ed Sheeran (sic) et le surdoué Kendrick Lamar. Sauf que nous, on aimerait bien que Pharrell affronte davantage seul ses morceaux aux mille facettes plutôt que miser sur une surenchère de featurings dans l’air du temps, toujours plus efficaces sur des compositions moins éclectiques.
« Cet album est aussi une réflexion sur mon pays«
Il est engagé #BlackLivesMatters
Comme Williams l’expliquait lors de la conférence : « Cet album est aussi une réflexion sur mon pays, devenu un cauchemar, où on continue de tuer les hommes noirs parce qu’on les suspecte de porter des armes. Quoi que l’on fasse, ces policiers-là veulent nous voir à terre. » C’est ce que raconte Don’t Don’t Do it !, écrit pour dénoncer les violences policières à l’encontre des Afro-américains. Inspiré d’un fait à la fois banal et précis (une femme noire arrêtée sans raison valable), il réussit à marier engagement et entertainment, mission ô combien ardue et risquée. Et ce grâce à un mélange de violence et d’efficacité assez fascinant.
Mais il n’oublie pas l’humour au vestiaire
En témoigne la pochette, en total décalage avec un nom d’album un poil dramatique. Elle zoome sur la bouche d’une jeune femme, arborant ce qui aurait pu être un grillz et qui n’est, en réalité, qu’un simple morceau d’aluminium recouvrant tant bien que mal des dents – impeccables, soit dit en passant. Évidemment, cette jolie bouche grimace un peu, façon bad girl. Sympa, mais on aurait pu en attendre davantage, tout comme cette manière de souligner par le retour à la ligne la nature acronymique du titre, No_One Ever Really Dies >>> N.E.R.D. Merci, mais on avait compris !
Crédit photo : Driely S