2021 M11 22
Au sujet d’Orelsan, il est presque systématiquement question de Skread, son fidèle acolyte, celui avec qui il pense tous ses projets depuis les débuts. Concernant « Civilisation », on parle également beaucoup des Neptunes, dont la présence sur Dernier verre ne figurera certainement pas sur le best-of du duo américain mais a au moins le mérite d’amener le Normand vers d’autres sonorités, plus club.
Au moment d'évoquer le quatrième album d'Orelsan, il serait pourtant tout aussi juste de braquer les projecteurs sur Phazz, présent à la production sur plusieurs titres. À dire vrai, le Français, passé par le Conservatoire de Béziers et une fac de musicologie à Lyon, était déjà dans les parages pour « La fête est finie » : engagé pour finaliser l'album aux côtés de Skread, il a finalement réalisé quelques productions (dont Défaite de famille et La lumière) et accompagné tout le crew pendant l'immense tournée qui a suivi la sortie du disque.
À 30 ans, Phazz a bien évidemment un paquet d'autres lignes à ajouter sur le CV : ses débuts aux côtés de Jorrdee, à l'aube des années 2010, à une époque où il croise un jeune Freeze Corleone ; ses DJ's sets en Asie ou à South By Southwest ; ses allers-retours permanents entre le hip-hop et la French Touch (« Almeria », son album commun avec Everydayz) ; son premier tube avec Koba LaD (RR 9.1) et, fatalement, toutes ces productions placées sur les disques de quelques poids du rap français, actuels (SCH, Leto) ou old school (Oxmo Puccino, Alonzo). À chaque fois, on ressent ce goût de l'épure, cet amour de la soustraction et des beats percussifs, cette même façon d’injecter de l’électronique au sein de ses mélodies, y compris au sein de projets plus pop (Ibeyi, Camélia Jordana, Woodkid).
Au fond, ce mélange n'a rien d'étonnant quand on sait que Phazz a grandi avec un lecteur MP3 où 50 Cent, Black Eyed Peas et DJ Mehdi côtoyaient les Daft Punk et Justin Timberlake. Tout était déjà là, en souterrain, sans en avoir pleinement conscience. Il y a aussi cette passion pour les cultures alternatives anglaises (dubstep, house, grime, etc.), dont on entend les vibrations sur Dans ma ville, on traine et Adieu les filles, deux titres présents sur « La fête est finie - Épilogue ». La preuve, comme il le précise dans une interview pour l'Abcdr du Son que « la musique underground peut ne pas être forcément synonyme de musique de niche. »
Avec le temps, Phazz a effectivement appris à traduire sa musique pour le grand public, sans jamais la vulgariser. Sur « Civilisation », on lui doit ainsi un piano-voix (Athena), un brûlot nerveux (L'odeur de l'essence), une complainte minimaliste (Rêve mieux) et une comptine pop, taillée pour entrer dans la tête et de ne plus jamais en sortir (La quête). La marque d’un producteur toujours plus accompli.