Parlez-vous le Aya Nakamura ?

Lors d'une réunion à l'Assemblée nationale, un député a salué la Française pour sa faculté à réinventer la langue française. Et si on en voit déjà s'excuser les mains levées au ciel auprès de saint Alain Rey pour ce qu'ils considèrent comme un blasphème, on sait aussi qu'écouter Aya c'est plonger dans un lexique à part. Voici donc 5 mots du dico Nakamura décryptés.
  • « Pookie »

    La force d'Aya Nakamura est de savoir créer un mot (ou du moins, le populariser) et d'en faire illico le titre d'un tube au succès insolent, célébré bien au-delà des frontières françaises. Pookie est l'un d'entre eux. Ainsi, quand la Française dit « Blah blah blah d'la pookie / Ferme la porte, t'as la pookie dans l'side », ce n'est pas une énième phrase balancée sans une idée derrière la tête. Ici, « pookie » signifie « poucave » : soit une « balance », soit quelqu'un prêt à trahir ses proches, soit 6ix9ine face aux juges américains. On dit ça comme ça, juste au cas où vous auriez besoin d'un exemple concret.

    « Tchouffer »

    « Faut pas tchouffer » ; « Il tchouffe » : le fait qu'Aya Nakamura emploie régulièrement cette expression confirme l'idée qu'il faille comprendre certains codes pour entrer pleinement dans son monde. Un monde forcément hostile aux puristes et aux gardiens du temple, mais au sein duquel il s’agit d’avancer sans crainte. C’est là la signification de « tchouffer » : ne pas flipper. Et puis, soyons honnêtes : on est rarement autant dans le confort que dans un tube créé dans l'unique but de flatter l'oreille.

    « En catchana baby »

    « Je parle pas comme une gogole. Y'a des rappeurs, ils inventent bien pire », disait Aya Nakamura dans une interview à Libération. Ce qu'elle ne précise pas, c'est que les mots chez elle servent surtout à appuyer la mélodie. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas de sens, c'est qu'ils sont décortiqués, prononcés et utilisés afin d'en faire résonner chaque syllabe, de se jouer de l'évocation du terme pour mieux favoriser l'imagination de l'auditeur et de l'auditrice. Sans prétendre à la complexité, ni à l'intellectualisation.

    Ici, « en catchana » est donc possiblement une référence à une position sexuelle, mais aussi un moyen de se jouer de la grammaire, puisqu'après tout il est possible en France d'avoir du succès en chantant « darla dirladada » ou ces canards qui « font coin coin ». Autre possibilité, « en catchana » serait une petite référence au terme qui donnait son nom à un titre de Gradur en 2015, mais là, tout reste à confirmer.

    « J'arrive dans ma tchop, tchop, tchop  / Toi, t'es dans le flop, flop, flop »

    C'est un fait indéniable, Aya Nakamura aime répéter les mots à plusieurs reprises. Trois fois d'affilée, de préférence. Sans doute pour rappeler qu'un certain nombre d'entre eux sortent tout droit de son imagination, comme si elle avait elle-même conscience de proposer une grammaire inédite. Aux plus âgés de décoder les dires de la chanteuse.

    « Tchop » n'est finalement rien d'autre qu'un mot d'argot signifiant une voiture. Mais pas n'importe laquelle : une voiture suffisamment classe et clinquante pour lui permettre d'affirmer que la personne en face d'elle est dans une situation d'échec. D'où l'expression « toi t'es dans le flop », balancée dans la foulée, histoire d'accentuer l'exercice de style comparatif.

    « J'vais pas mythonner, lui, il a le juice, juice (Juice) »

    Avoir toujours un coup d'avance sur Le Petit Robert, telle semble être l'ambition de l'autrice de Djadja, visiblement attirée par les gimmicks et les anglicismes. Une phrase de Hot, extrait du troisième album de la chanteuse, en atteste : « J'vais pas mythonner, lui, il a le juice, juice (Juice). » Comprendre : ce mec dont elle parle a la classe, ce petit truc en plus qui lui permet de se démarquer à ses yeux, au point de le laisser entrer dans son game pour qu'ils voient ensemble c'est quoi les bails. Si vous avez lu cet article jusqu'ici, vous savez que cette dernière phrase n'est pas vide de sens, elle colle juste à la façon d'écrire un morceau en 2020.