On y était : The Libertines au Zénith de Paris

Pour la deuxième étape d’une tournée qui célèbre les 20 ans de leur album culte « Up the Bracket », les Libertines se produisaient au Zénith de Paris. Dans un dôme quasi comble, les Anglais ont donné un concert divisé en deux parties. Un format original de haute facture qui a ravi les fans de la première heure, mais pas que.
  • C'était il y a presque 30 ans. Avant de faire basculer l’Angleterre dans cette frénésie rock que les États-Unis venaient d’embrasser en baptisant leur enfant chéri Julian Casablancas, leader de The Strokes, Carl Barât et Peter Doherty, unis pour le meilleur et le pire depuis 1997, n’avaient pas encore trouvé la formule magique.

    Malgré un premier coup d’essai flamboyant nommé What a Waster, produit par Bernard Butler de Suede — disponible maintenant au sein du « Up the Bracket: Early Demos » (2022) — la paire peinait à convaincre. Trop grossière au goût des radios, la complainte acculant un addict à la cocaïne faisait que l’effet d’un pétard mouillé.

    La chanson, pourtant, sonnait comme un carton d’invitation directement adressé à Mick Jones. En répondant par l’affirmative, le guitariste de The Clash se retrouvait ainsi embarqué en soutien dans l’enregistrement de ce qui allait devenir le culte « Up the Bracket » (2002). Cette « droite dans la gorge » des conventions établies du pays de la défunte reine Elizabeth II, authentique brûlot garage qui faisait sauter la banque-rock anglaise des années 2000.

    Alors, 20 ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Le statut de ce premier album des Libertines et celui du groupe en soit, bien sûr. Puis forcément, un peu, les visages de Gary Powell (batterie), John Hassall (basse), Carl Barât (guitare, chant) et Pete Doherty (guitare, chant). Trombines que l’on a pu observer de très près en suivant dans les coulisses du Zénith les créateurs de CREST, marque de vêtements française que Doherty aime porter sur et en dehors des planches. Ce même Peter qui après ses courts exercices de respirations (son nouveau rituel d’avant concert) n’a pas oublié de faire le papa-poule avec ses deux chiens-chiens lorsque ces derniers ont joué à chat : « allez, n’embête pas ton frère… »

    À l’inverse, une chose est restée la même. Cette énergie brute et communicative qui caractérise les shows des Libertines, palpable dès l’entame des premières notes de Vertigo, titre d’ouverture de l’album et de ce concert anniversaire. L’ordre des morceaux n’a pas bougé non plus, suivi scrupuleusement pendant les 40 minutes de ce qui a constitué une sorte de première mi-temps. Une autoroute rock jalonnée de riffs cinglants, de percussions puissantes et de modulations vocales, qui a laissé apparaître un premier péage à la fin de Up the Bracket.   

    Le temps de reprendre un peu de vitesse (Tell the King) puis de profiter de l’instant en se rappelant à ces bons vieux jours (The Good Old Days) – et de donner une papouille aux toutous eux aussi heureux d’être sur les planches. Pour un finish en fanfare (I Get Along) ponctué d’un « on se revoit dans une autre vingtaine d’années » lâché par Doherty brillant de la même superbe d’antan. Les garçons sortent ensuite de scène sous les yeux ébahis de ce public mixte, formé de fans de la première heure désormais quadras. Également, de plus jeunes gens qui ont découvert sur le tard ce premier disque, qui en plus d’encapsuler une époque, n’a pas pris une seule ride. À ce moment de la nuit, tout le monde est d’accord : « c’était super, mais purée, c’était vachement court ! » Patience.

    Retour des héros suite à de brèves minutes. Liesse générale équivalente à un coup de sifflet, la deuxième mi-temps débute. Après avoir passé en revue « Up the Bracket », les Anglais enchaînent en piochant des chansons tirées de « The Libertines » (2004) ou de « Anthems for Doomed Youth » (2015), album enregistré bien après que le groupe se soit désintégré. Tel un symbole, You're My Waterloo retentit. L’heure pour Carl Barât de se faire un kiff au piano. Telle une évidence, Can't Stand Me Now résonne, moment choisi par John Hassall pour se dévergonder et enfin sortir de ce cliché du bassiste anglais stoïque. 

    Bien sûr, un concert des Libertines ne peut pas en être un si Barât et Doherty ne partagent pas un micro pour chanter ensemble. Ils réaliseront de bon cœur cette véritable technique signature sur plusieurs morceaux. Clap de fin après Don't Look Back Into the Sun, un classique.

    Conclusion au bout d’une quasi-heure et demie de live : The Libertines joue mieux qu’il y a 20 ans. L’ivresse de la jeunesse a laissé place à la maîtrise de l’âge. Chacun est expert en sa matière. Doherty en leader vocal et base rythmique de guitares, Barât, l’inverse. Gary Powell, inoxydable, John Hassall, force tranquille. 

    Résultat, un concert ultra rodé, original avec ses deux parties distinctes, qui, plus que de faire la part belle à « Up the Bracket », retrace l’histoire mouvementée du groupe. Et une histoire a priori pas terminée puisque qu’un nouveau chapitre-album devrait bientôt voir le jour si l’on croit les confessions que Peter Doherty faisait au NME dans les coulisses du festival de Glastonbury.

    Toutes les dates de The Libertines sont à retrouver sur leur site officiel.

    Crédit photo Une : Flickr Side Stage Collective

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