MC Solaar, après l'éclipse

  • Alors que les rappeurs trustent actuellement le sommet des charts et que les anciens n’hésitent pas à faire leur retour à intervalles réguliers, MC Solaar, lui, est étonnamment absent du circuit ces dernières années. La faute à qui ? À quoi ? Jack a mené l’enquête.

    Plus encore que NTM ou IAM, MC Solaar, depuis la publication de Bouge de là en 1991, a toujours été le rappeur préféré des Français, celui que l’on imagine tel un bon père de famille bordant ses enfants le soir avec un sourire bienveillant plutôt que comme un rebelle prêt à tirer à la Kalash’ contre le système et les autorités. Qu’elle soit unanime ou qu’elle fasse tiquer les puristes, cette réputation est en tout cas validée par les succès de « Qui sème le vent récolte le tempo » (1991) et « Prose Combat » (1994). La production, assurée par Jimmy Jay, Boom Bass et Philippe Zdar, joue alors à saute-mouton entre le son popularisé par les Native Tongues et les techniques de mix propres à la house, celles-là même qui feront la particularité, quelques années plus tard, de la French Touch. En attendant, à cette époque-là, Claude M’Barali est le roi du monde.

    Les temps changent. Sans être autant à la pointe, les trois disques suivants (« Paradisiaque », « MC Solaar » et « Cinquième As ») enfoncent le clou de manière ferme et définitive et contribuent eux aussi à faire de MC Solaar un artiste à part, un MC au service de la poésie et du beau mot, une âme que l’on ne peut décemment pas détester. Sauf qu’à trop vouloir surfer sur le succès – sa relation avec Ophélie Winter, sa présence annuelle aux Enfoirés, etc –, Claude M’Barali finit par s’embourber dès 2003 dans des albums uniquement taillés pour le grand public : plus aucun parti pris, plus aucune fulgurance et, surtout, plus de textes saisissants. « Match 6 » et, quatre ans plus tard, « Chapitre 7 » semblent juste bons à séduire les oreilles consensuelles des institutions ; la meilleure preuve étant que ce dernier obtiendra une Victoire de la Musique en 2008 dans la catégorie « Musiques urbaines de l’année ».

    Le tour de la question. Coïncidence ou non, c’est également à la fin des années 2000 que MC Solaar commence à prendre ses distances avec l’industrie musicale. Et à susciter tous les fantasmes. On dit qu’il bosse sur un nouvel album et qu’il devrait éventuellement apparaître sur un hypothétique nouveau long format de Doc Gynéco. On dit aussi qu’il est trop tendre pour le hip-hop actuel, plus que jamais tourné vers les rimes arrogantes et l’imagerie street. On dit enfin qu’il craint de ne pouvoir rivaliser avec l’avant-gardisme esthétique prôné par une nouvelle génération élevée aux algorithmes Spotify et que sa musique, de toute façon, ne se prête pas au morcellement auquel YouTube a fini par nous habituer. Lui donne surtout l’impression d’avoir fait le tour de la question. Il y a bien quelques apparitions ci et là (aux Enfoirés, on l’a dit, mais aussi au concert Hip-Hop Symphonique, diffusé sur France 4 en juillet dernier) et une présence annuelle à Solidays en tant que président d’honneur, mais rien de bien excitant en soi. On peut trouver ça triste, mais on peut aussi, à bien regarder les comebacks ratés de certains rappeurs ces dernières années, se dire que c’est sans doute mieux comme ça.

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