2018 M05 2
L’idole des jeunes. Depuis la disparition de Johnny en décembre dernier, une question se trouve sur toutes les lèvres. À qui ira son héritage ? Au fond, tout le monde s'en branle. Non, ce qui intéresse vraiment, c'est de savoir qui pourra lui succéder. Qui, aujourd'hui, est capable de rassembler la France et de réconcilier les générations ?
Ce qui ne paraissait jusqu’alors n’être qu’une mauvaise blague (un peu hautaine, d’ailleurs) se révèle pourtant incroyablement crédible depuis la sortie de « Ceinture noire » le 23 mars dernier : avec ce troisième album, ambitieux, fourre-tout, désordonné et hybride (cf. les featurings de Lil Wayne, Sofiane, Orelsan, MHD et Vianney), Maître Gims s’impose en effet comme l’artiste français le plus à même d’assumer ce statut. « J'aspire à une carrière comme un Johnny, j'aimerais prétendre à cela plus tard », affirmait-il d’ailleurs au micro de RTL.
Variétoche. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : aujourd'hui, Maitre Gims est tellement fédérateur qu'il peut se permettre d'écouler 200 000 exemplaires d’un album de quarante morceaux en seulement dix jours, avant d'aller parader au 20 heures de TF1 et d'annoncer une date au Stade de France en 2019. En clair, le Français est loin d’être simplement le « pont entre Young Thug et Georges Moustaki », comme il le chante sur le dernier album d’Orelsan. Il est aujourd’hui l’incarnation de la musique populaire française, le mélange parfait entre la tradition d’une variété hexagonale (La même et ses envolées à la Balavoine) et une pop dite urbaine, triomphante également chez Niska ou Soprano.
Sans contrefaçon. Alors, bien sûr, tout est inoffensif sur « Ceinture noire », mais tout semble fait ici pour séduire l’oreille, refuser l’élitisme, conquérir l’international (sinon, comment expliquer les couplets en anglais ?) et imprimer l’inconscient collectif. Un peu comme si des chanteurs comme Renaud, la variété kitsch des 80’s ou le rap hexagonal de kicker (dont Maître Gims faisait partie du temps de la Sexion d’Assaut) prenaient aujourd’hui les traits de pop stars américaines de la trempe de Lady Gaga. C’est forcément calculé, mais c’est avant tout prompt à s’imposer comme la variété de notre époque et à casser tous les clichés malheureusement associés au genre.
Au bout de ses rêves. Surtout, « Ceinture noire » (déjà double disque de platine) est un album taillé pour les sites de streaming. On peut regretter qu’un artiste aussi expérimenté et adoubé par le public ne soit pas capable de resserrer son propos le temps d’un disque et de savoir faire le tri au sein de ses morceaux, mais force est de constater que l’on trouve de tout au sein de ces quarante chansons : des clins d’œil à Claude François, à l’afro-pop, à Nicki Minaj et à Bruno Mars.
Soit autant d'orientations stylistiques différentes et potentiellement destinées à occuper les multiples playlists créées sur Spotify ou autres. En attendant, que ce soit avec les thèmes de l’album (l’amour, les ruptures, etc.) ou ces mélodies taillées pour rassembler les foules, c’est bien à la table des Jean-Jacques Goldman et des Mylène Farmer que Meugi a aujourd’hui ses ronds de serviettes. Que ça plaise ou non.